Plus de deux cents ans après sa création, le baccalauréat reste une des institutions napoléoniennes à laquelle les Français sont le plus attachés. Il suffit de voir les réactions qu’entraîne toute proposition de suppression de cet examen, qui continue à être une porte d’entrée soit vers la vie active soit vers l’enseignement supérieur. Pourtant le baccalauréat a beaucoup évolué. En 2013, plus de 585000 Français ont été reçus à cet examen qui se décline désormais en de multiples variantes. En 1813, année la plus faste de l’Empire pour le baccalauréat, ils étaient 1 656 à être reçus bacheliers ès lettres. La nature de l’examen a changé, mais hier comme aujourd’hui, il reste le premier grade de l’Université. Reste à comprendre comment il a été créé et comment les lycéens se préparaient à l’examen à la fin de l’Empire.
Jacques-Olivier Boudon. Professeur à la Sorbonne, Président de l’Institut Napoléon.
La création du baccalauréat
Napoléon a entrepris en 1806 une profonde réforme de l’enseignement en donnant naissance à l’Université, institution regroupant l’ensemble des formations dispensées en France, de l’enseignement primaire jusqu’à l’enseignement supérieur. De fait, l’Université obtient le monopole de l’enseignement, lequel est donc donné au nom de l’État. En mars 1808, plusieurs décrets d’application entrent dans le détail de son organisation. Parmi eux, un décret du 17 mars crée le baccalauréat, considéré comme le premier grade de l’enseignement supérieur. C’était une nécessité pour marquer la fin des études secondaires. En mai 1802 en effet, lorsqu’avaient été créés les lycées, rien n’avait été prévu pour sanctionner les études qui y étaient dispensées. Une partie des élèves devaient passer dans les écoles spéciales, notamment l’école spéciale militaire créée par la même loi, les autres devant se contenter d’un simple certificat d’études délivré par le lycée.
Le décret du 17 mars 1808 change la perspective en instaurant un diplôme national, délivré au nom de l’Empereur, et qui est censé servir de sésame pour entrer dans les facultés. Pour autant, le baccalauréat n’est pas une invention. Le terme existait depuis la fin du Moyen Âge et était synonyme de la maîtrise ès arts, ce grade qui sanctionnait avant 1789 les études dispensées dans les facultés ès arts, associant sciences et humanités. Pour cette raison, on décide du reste en 1809 que la maîtrise ès arts donnera l’équivalence du baccalauréat ès lettres, mais aussi ès sciences. Cette reprise d’un terme usité depuis la fin du XIVesiècle montre à quel point les législateurs de l’Empire, Napoléon en tête, sont marqués par le mode de fonctionnement de l’enseignement en vigueur à la veille de la Révolution. Dans les débats qui ont précédé la réforme de l’Université en 1806, Napoléon n’a cessé de mettre en avant le modèle des congrégations enseignantes de l’Ancien Régime, en particulier les jésuites. En 1802, en créant les lycées, il s’était inspiré d’une terminologie d’origine antique, le lycée de la Grèce ancienne. En 1808, en restaurant l’Université, et en refondant des facultés, il se coule plus volontiers dans le modèle de l’ancienne France […]
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