Les tout débuts du XXIe siècle sont l’occasion d’une réflexion sur l’organisation hospitalière dont les modalités semblent avoir été alors révisées. Privatisation de l’hôpital, disparition de la vision traditionnelle du service public ou au contraire construction d’une nouvelle vision de celui-ci autour de missions particulières, l’époque est propice à la réflexion et à la construction des fondations d’un modèle destiné à prospérer ; cette démarche se fait essentiellement en tirant bilan des expériences passées. Les débuts du XIXe siècle ont, semble-t-il, connu un épisode similaire, tant ils conduisent à une réflexion sur les institutions hospitalières ayant survécu à la tourmente révolutionnaire.
Clémence Zacharie. Maître de conférence en droit public, UPEC.
La période consulaire et impériale n’a pas généré une oeuvre hospitalière semblable par son importance à la construction administrative ou au Code civil. Il faudra en effet attendre le retour d’un Bonaparte et les lois fondant l’assistance publique à partir de 1849 pour parler d’une réelle « constitution hospitalière ». Plus que fondatrice, l’action du gouvernement de Napoléon reposa sur la liquidation de l’héritage révolutionnaire et le dépôt des bases de ce que l’on pourrait de façon anticipée définir comme une gouvernance de l’hôpital et du système de santé. Car, en associant structures publiques et fondations privées dans la prise en charge des questions sanitaires, le pouvoir napoléonien anticipe le devenir des hôpitaux français. Mais il le fait avec pragmatisme, s’émancipant de l’idéal révolutionnaire d’assistance nationale, et abordant la question sanitaire sous l’angle de la gestion administrative.
L’impossible nationalisation des structures de soin
Les gouvernements qui se sont succédé à partir de 1789 ont eu à coeur d’engager des débats répétés sur la question des structures hospitalières. Cette effervescence est sans nul doute due à l’état général des structures de soins à la fin de l’Ancien Régime. La prise en charge du soin a toujours été considérée depuis le Moyen Âge comme relevant de l’initiative individuelle; le principe de collectivisation de celle-ci n’existe que dans le cas des fondations, structures de soins réservés essentiellement aux indigents et créées par de riches mécènes agissant par piété et le souci d’entreprendre des actions charitables. Bien qu’animée de sentiments en grande partie louables, la démarche des fondateurs entraîne nécessairement leur influence sur le fonctionnement des institutions, influence se manifestant entre autres par « le droit de présentation » leur permettant de désigner les bénéficiaires des lits dont ils avaient assuré la fondation. Le caractère caritatif de celle-ci justifie de plus leur association aux ordres religieux qui en administrent les établissements. Les pouvoirs publics n’ont alors pas vocation à participer à cette gestion et leur intervention n’apparait qu’en cas d’abus constatés au sein des institutions.
Finances fragilisées par les conflits à répétitions et moeurs dissolues des communautés dirigeant les établissements justifient l’intervention des municipalités, des Parlements et du pouvoir royal. Celles-ci sont cependant éparses et, bien que les dysfonctionnements des hospices soient une réalité, aucune réforme du système qui entraînerait un accroissement du rôle de l’État n’est réellement envisagée à la veille de la Révolution. Les hôpitaux d’Ancien Régime sont avant toute chose des lieux d’hébergement des indigents, des femmes seules et des orphelins, sans qu’ils n’aient jamais été envisagés comme des structures sanitaires. […]