Bonaparte, Premier Consul, a investi les Tuileries dès le mois de février 1800. En se faisant proclamer empereur, il ne peut se désintéresser de Versailles, symbole de la monarchie d’Ancien Régime dont il se veut l’héritier. Mais il conserve une relation ambiguë avec le château, qu’il n’habitera pas, lui préférant les Trianons, comme s’il avait craint de réveiller le fantôme de Louis XVI.
Par Jacques-Olivier Boudon, Professeur à l’université Paris-Sorbonne
Lorsque Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir, le château et le domaine de Versailles ont subi les effets des dix années de Révolution. Le château, abandonné par la famille royale, rentrée à Paris en octobre 1789 sous la pression de la foule, a été délaissé, avant qu’un décret de la Convention précise que les anciens palais royaux devront être entretenus aux frais de la République. Mais le château est vidé de ses meubles et les dégradations se multiplient, malgré le maintien d’une administration sur place qui s’avère cependant trop peu nombreuse pour assurer la surveillance et encore moins l’entretien du palais. Enfin, à partir du printemps 1794, on efface les symboles de la monarchie. Cette tendance ne s’interrompt pas avec la chute de Robespierre. Au contraire, la tentative de soulèvement royaliste en vendémiaire (octobre 1795), réprimée à Paris par le général Bonaparte, relance le mouvement d’effacement des symboles de la royauté. Dans le même temps, des parcelles du domaine sont vendues comme biens nationaux.
Plusieurs projets sont cependant élaborés pour utiliser ces vastes bâtiments. En 1797, on décide finalement d’installer un musée dans le château ; il prend le nom de musée spécial de l’École française, mais reste peu fréquenté. S’il a souffert de la décennie révolutionnaire, le domaine de Versailles existe toujours en 1799. Le château reste naturellement associé à l’ancienne monarchie et attire l’intérêt des visiteurs français et étrangers, à l’instar de ces Anglais revenus sur le continent après la paix d’Amiens. « Tous les étrangers ou habitants des provinces qui viennent à Paris, viennent à Versailles comme autrefois ; l’affluence est la même, et les garçons d’appartement sont sans cesse occupés à promener les visiteurs. C’est ce que le concierge peut vous assurer ainsi que moi. Les petits profits qui en résultent tombent dans les mains des garçons d’appartement au lieu d’aller dans celles des garçons du musée. » (1) On a même publié en 1804 un guide pour les visiteurs. On continue donc sous le Consulat et l’Empire à venir visiter les appartements, plutôt que le musée.
Ces visites sont évidemment loin de compenser la perte occasionnée pour la ville de Versailles par le départ de la cour. Celui-ci a entraîné une baisse spectaculaire de la population qui est passée en dix ans de 80 000 à 18 000 habitants. […]
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1) L’architecte Dufour au baron Costaz, 28 mai 1811, AN, O2 327.