Avant même son retour à Paris le 20 mars 1815, Napoléon entend se poser en restaurateur des droits de la Nation et, à cet effet, souhaite donc que soit rédigée une nouvelle constitution. Pour asseoir symboliquement sa légitimité retrouvée, l’Empereur décide alors d’organiser, sur le Champ-de-Mars à Paris, une grande manifestation nationale afin que le peuple français puisse assister à la proclamation et prêter serment de fidélité à l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire. Cette cérémonie, baptisée « Le Champ de Mai », sera la dernière démonstration publique du régime impérial.
Par Mathieu Geagea, Historien
Alors qu’il accomplit sa marche en direction de Paris, Napoléon arrive à Lyon le 10 mars 1815. Il signe une série de décrets et prononce la dissolution de la Chambre des pairs et celle des députés. Afin de pourvoir au remplacement de ces Chambres, Napoléon avance l’idée, une fois son trône reconquis, de convoquer à Paris « une assemblée extraordinaire du Champ de Mai» composée des collèges électoraux de chaque département afin de « corriger et modifier » les constitutions. Selon Fleury de Chaboulon, secrétaire particulier de l’Empereur, ce dernier aurait déclaré : « Je ne veux point, comme Louis XVIII, vous octroyer une charte révocable ; je veux vous donner une constitution inviolable et qu’elle soit l’ouvrage du peuple et de moi.» Mais faute du soutien royaliste, il n’a d’autre solution que de s’appuyer sur la bourgeoisie libérale, notamment sur Benjamin Constant, épuré pourtant du Tribunat sous le Consulat et opposant notoire. Napoléon lui expose franchement ses intentions : « La Nation s’est reposée douze ans de toute agitation politique, et depuis un an, elle se repose de la guerre. double repos lui a rendu un besoin d’activité. Le goût des constitutions, des débats, des harangues paraît revenu. […] S’il y a moyen de gouverner par une constitution, à la bonne heure ! Voyez donc ce qui vous semble possible… »
Le texte prend en compte certaines des dispositions de la Charte de 1814 et confère aux Français des droits qui leur étaient jusqu’alors inconnus : élire un maire dans les communes de moins de 5 000 habitants, pouvoir amender la Constitution par les représentants du peuple… Mais pour minimiser les changements intervenus et les concessions faites à l’esprit nouveau, Napoléon entend inscrire ce texte dans la continuité des précédentes constitutions et lui impose le nom d’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire.
Un plébiscite dans l’indifférence
Cette constitution, surnommée « la benjamine » par allusion au prénom de son auteur, est signée par l’Empereur le 22 avril 1815, avant d’être publiée le lendemain. Mais logiquement, l’Acte additionnel doit être approuvé par plébiscite, ce qui oblige le corps électoral à accepter ou refuser en bloc ce texte et à se prononcer, en définitive, pour ou contre l’Empereur lui-même. Le préambule de l’Acte additionnel prévoit, en effet, qu’il sera soumis « à l’acceptation libre et solennelle du peuple ». Ce plébiscite est organisé selon les règles en vigueur sous le Consulat. […]
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