Marseille est un site militaire considérable. Chef-lieu de la 15e Région Militaire qui s’étend de Nîmes à Menton, englobant la Provence, la Côte d’Azur et une bonne partie des Alpes du Sud, Marseille est aussi le siège de l’état-major du 15e Corps d’Armée, la grande unité de recrutement de cette région. Des éléments organiques de commandement et de soutien de corps d’armée sont stationnés dans la ville ainsi que deux régiments d’active du corps d’armée : le 141e R.I. à la caserne Saint-Charles, qui dérive le 341e R.I. à la déclaration de guerre et le 6e Régiment de Hussards au quartier Beauvau. Lors de la mobilisation, le 115e Régiment d’Infanterie Territoriale sera levé au séminaire Saint-Charles. Marseille compte également un régiment d’infanterie coloniale : le 22e R.I.C. implanté à la caserne d’Aurelle (1).
Pierre Dufour, Historien
Porte des colonies, Marseille est un centre de transit important pour les unités de l’armée d’Afrique ou de l’armée coloniale qui entretiennent des dépôts d’isolés ou des structures de recrutement dans la ville. C’est le cas de la Légion étrangère installée au fort Saint-Jean qui voit passer chaque année des centaines de candidats. Parmi eux, en 1912, Ernst Jünger, alias légionnaire Berger qui contera son aventure dans Les jeux africains. L’arrivée au fort Saint-Jean à Marseille lui ouvre les portes d’un monde exotique inconnu des jeunes Allemands : « Le louche quartier que nous traversions ainsi était comme la place avancée d’un château fort vétuste qui maintenant se découvrait à nos yeux. Il était construit sur un rocher qui s’élevait de la mer et séparé de la terre ferme par un fossé […]. On entrait par un pont en bois où un factionnaire en uniforme rouge montait la garde. Il portait un fez où tombait un gland noir pendant jusqu’à ses hanches (2). Au-dessus du sombre portail que nous franchissions à présent un écusson était suspendu avec l’inscription “Fort Saint-Jean”. Nous gravîmes à l’intérieur de la forteresse un passage en spirale. Il menait à une place à ciel ouvert qui fourmillait de monde. Ce bastion moyenâgeux servait, comme nous l’apprîmes bientôt, de centre de révision au départ et à l’arrivée pour les garnisons d’Orient. Ses corridors et ses salles voûtées étaient remplis d‘une population inquiète et toujours mouvante… »
Marseille, plaque tournante du transit militaire
Aux premiers jours du conflit, Marseille devient le point de débarquement privilégié des troupes d’outre-mer: Tirailleurs sénégalais, Nord-Africains, Indochinois, Spahis et Chasseurs d’Afrique, puis de la main d’oeuvre étrangère (Nord-Africains, Asiatiques…). En fonction des besoins du front, la plupart des arrivants ne restent que très peu de temps en ville : ils sont cantonnés à la Vieille-Charité, caserne depuis la fin du XIXe siècle ou bien au Parc Chanot. Les soldats issus des colonies sont ensuite envoyés dans des camps de la région : les tirailleurs sénégalais, Malgaches ou Indochinois vers la région de Fréjus et Saint-Raphaël; les tirailleurs marocains et tunisiens vers Arles et les tirailleurs algériens vers Aix-en-Provence. On parle alors de « camps de l’arrière ».
Les premiers éléments à débarquer à Marseille, « Les camps de l’arrière » en août et septembre 1914, appartiennent à la 37e Division d’Infanterie. Le 7 août, la division, qui est stationnée dans le Constantinois envoie un détachement précurseur en métropole. Commandé par le chef de bataillon Baille, il débarque à Sète le 9 août et prépare l’itinéraire de la division : 8-10 août en Arles, 12-13 : Chasse, Le Bourget, Hirson, 14 : Auvillers-les-Forges, Rocroi où elle passe au 1er C.A. Le reste de l’état-major avec le général Comby commandant la division quitte Constantine pour Philippeville. Embarquement le 6 août à 12 heures à bord du Medjerda, un courrier de la Compagnie de Navigation Mixte. Dans la nuit du 6 au 7 août le lieutenant Blanc, de l’état-major de l’artillerie, pris subitement d’un accès de folie tue deux marins de l’équipage, blesse grièvement l’officier d’administration Garnier, de l’hôpital militaire de Constantine et un homme d’équipage. Le lieutenant Blanc est abattu. […]
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