À l’occasion de la commémoration du Centenaire de la bataille de Guise, une émouvante cérémonie s’est déroulée dans le cimetière militaire de Le Sourd, puis dans la Chapelle de Colonfay. Au cours de celle-ci, deux frères, Jean-Marie et Jean L’Aot, venus de leur Bretagne et tombés lors des sanglants combats du 29 août 1914, ont symboliquement et définitivement été réunis après un siècle de séparation.
Jean-François Krause, auteur, illustrateur
Lorsque l’on parcourt le carré français du cimetière franco-allemand de Le Sourd- Lemé, au milieu des nombreuses tombes des soldats du 48e Régiment d’Infanterie qui y reposent, on ne trouve en effet que celle de Jean-Marie L’Aot. Le corps de son cadet, Jean, bien que reconnu « tué à l’ennemi » n’a jamais pu être formellement identifié après les terribles affrontements qui eurent lieu dans cette région du nord de l’Aisne, dans le cadre de la bataille de Guise. Il n’a donc pas eu de sépulture, mais alors que tout porte à croire qu’il repose dans l’ossuaire du cimetière, son nom n’est pas gravé sur la nécropole où figurent ceux de 455 autres disparus.
Ils étaient deux frères
Jean-Marie et Jean L’Aot sont nés respectivement le 9 janvier 1891 et le 28 février 1892 à Plouzévédé, entre Saint-Pol-de-Léon et Landivisiau dans le Finistère. Ils sont les deux aînés d’une famille de neuf enfants comprenant trois autres frères : Jean-Louis, Yves et Christophe, ainsi que quatre soeurs: Philomène, Marie, Anna et Soizic. Très liés de par leur proximité d’âge et tous deux célibataires, Jean et Jean-Marie vivent dans la modeste maison familiale située à Coat ar Moal, un hameau situé à quelques kilomètres au sud de Plouzévédé, où leurs parents Jean-Louis et Jeanne-Marie sont fermiers sur une petite exploitation d’agriculture et d’élevage. Leur père, orphelin dès l’âge de 16 ans, s’était engagé dans la « Royale » pour un contrat de 5 ans et avait été embarqué pour convoyer des forçats jusqu’au bagne de Nouvelle-Calédonie.
Le 48e R.I. en première ligne
Le samedi 1er août 1914, à 16 heures, comme partout en France, la petite église de Plouzévédé sonne le tocsin de la mobilisation générale et les deux frères quittent leurs travaux des champs pour regagner sans tarder la caserne de La Tour d’Auvergne à Guingamp, où le 48e Régiment d’Infanterie a ses quartiers. Ce régiment, qui est composé en grande majorité de Bretons (plus de 80 %), commence à mobiliser dès le 2 août et le 5, étant à l’effectif, il se dirige par train vers sa base de concentration à Vouziers dans les Ardennes où il arrive le 7 août. Jean- Marie et Jean étant réservistes et ayant donc déjà effectué leurs deux années de service militaire (classe 1911, matricule 2274 et classe 1912, matricule 1407) sont incorporés immédiatement et partent avec la première vague. Ils se retrouvent tous les deux dans la même compagnie; Jean-Marie et Jean seront ainsi rarement éloignés et pourront donc veiller l’un sur l’autre. Le 21 août, le 48e R.I. monte en ligne dans le secteur de Namur pour tenter de contenir les Allemands sur la rive nord de la Sambre. Le lendemain, c’est le baptême du feu pour les frères L’Aot, et de façon terrible puisque leur bataillon charge à la baïonnette ! Les pertes sont lourdes et le Colonel de Flotte, commandant le 48e R.I. est tué au combat. L’ensemble de la 19e D.I., débordée par l’ennemi, se replie en bon ordre sur Philippeville, puis Signy-Le-Petit pour atteindre Vervins le 28.
La tragique journée du 29 août 1914
Dans la nuit du 28 au 29 août, les positions françaises sont enfoncées, les Allemands menacent de franchir l’Oise à plusieurs endroits et réussissent à prendre Guise. […]
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