« Le mot Piaf est le seul qui puisse remplacer celui de Paris », affirmait l’actrice Marlene Dietrich. La chanteuse des rues devenue une gloire internationale n’aurait pas démenti sa grande amie, elle qui jurait que « seul Paname comptait » dans son coeur. Cinquante ans après sa disparition, la capitale garde encore en ses murs le souvenir bien vivant de la môme Piaf.
À en croire la plaque commémorative apposée sur le mur du 72, rue de Belleville, la chanteuse serait venue au monde sur le macadam parisien, aux petites heures d’un matin d’octobre 1915. Sa mère, Annetta Giovanna Maillard, prise des douleurs de l’enfantement, attendait au pied de son domicile le retour de son mari, Louis Gassion, parti chercher une ambulance. Un délai fatal pour la jeune femme qui aurait ainsi accouché, seule et démunie, sur le trottoir devant l’immeuble où résidait le couple. Certains biographes se sont plu à compléter le tragique de la situation par un détail supplémentaire émouvant : la jeune mère, découverte avec son enfant par deux agents de police, se serait vu offrir la pèlerine de l’un d’entre eux pour y envelopper son bébé.
Sous le ciel de Paris
Le service de l’état-civil de la mairie du XXe arrondissement garde pourtant la trace de la naissance, le 19 octobre 1915 à cinq heures du matin, d’une petite Édith Giovanna Gassion, à l’hôpital Tenon, situé rue de la Chine, à une vingtaine de minutes du domicile des parents. En l’absence du père, l’enfant avait été déclarée par une infirmière de l’établissement. Édith Piaf aurait été sans conteste la personne la plus qualifiée pour démêler la fiction de la réalité, mais l’intéressée ne s’embarrassa jamais d’exactitude concernant ses souvenirs. La réponse donnée à un journaliste sur la part autobiographique d’une de ses chansons aurait parfaitement pu s’appliquer à sa façon très personnelle d’évoquer son passé : « Il y a du vrai, il y a du faux. Cela dépend comment on raconte les histoires. » Mais vraie, fausse ou arrangée, la version d’une naissance dans la rue symbolisait en un puissant raccourci les débuts difficiles dans la vie de la petite Édith.
Son père était retenu sur le front de la Première Guerre mondiale. La jeune maman, sous le nom de Line Marsa, se rêvait artiste lyrique et courait le cachet. La petite se révéla rapidement un frein à ses tentatives de carrière. Elle s’en débarrassa en la confiant à Emma Saïd Ben Mohammed, dite Aïcha, sa propre mère. Née en Kabylie, la veuve Maillard présentait dans sa jeunesse un numéro de puces savantes, avant d’échouer rue de Rebeval, dans un misérable logis, à quelques mètres du domicile de sa fille. Depuis, elle y végétait, avec la dive bouteille pour compagne favorite. L’arrangement perdura jusqu’au retour de Louis Gassion en 1917. Lors d’une permission, furieux de constater que l’enfant était délaissée par sa mère et confiée à une pocharde peu qualifiée pour s’en occuper, Louis Gassion récupéra Édith.
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