Napoléon et les femmes

Les femmes occupent une place importante dans la légende napoléonienne : elles contribuent à adoucir l’image du seigneur de la guerre triomphant sur les champs de bataille ; elles l’humanisent. Alexandre eut Roxane, César Cléopâtre ; seul Frédéric II avait échappé à l’emprise du sexe dit faible.
Par Jean Tulard, de l’Institut Napoléon.

Le clan Bonaparte
Les visages féminins sont nombreux dans la vie de Napoléon. Et d’abord la mère, Laetitia Ramolino, de son vrai prénom d’origine italienne Letizia, mais que l’on adapta au goût de l’époque, sous l’Empire, en le latinisant en laetitia, la joie.

On ne sait sa date de naissance exacte, les registres paroissiaux ayant péri dans un incendie et les documents officiels se contredisant : 24 août 1749 ou 1750. Veuve, la mère de Laetitia s’était remariée à un certain Fesch, capitaine dans un régiment suisse au service de Gênes, et en eut un fils, le futur cardinal Fesch, oncle de Napoléon. Laetitia se maria très jeune à Charles Bonaparte. Selon Napoléon, sa mère était à Ajaccio « la plus agréable, la plus belle de la ville ». Elle aurait séduit M.de Marbeuf, gouverneur de l’île. Les choses allèrent-elles plus loin que des relations mondaines ? Les mauvaises langues l’ont affirmé, expliquant ainsi l’efficace protection du gouverneur envers les Bonaparte. Certes Marbeuf était âgé, mais, quelques années plus tard, après la naissance de Napoléon, il se maria et eut un enfant. Napoléon s’est interrogé sur son vrai père. Nous le savons par les confidences qu’il fit à Monge, au retour d’Égypte, sur la Muiron. Il n’expliquait que par l’atavisme son talent à conduire une armée : le tenait-il de M. de Marbeuf ? Était-il son fils ? Un test récent d’ADN vient de confirmer qu’il était bien le fils de Charles Bonaparte. Madame Mère, à laquelle on attribue le « pourvu que ça dure » prononcé à l’italienne, n’exerça aucune influence sur son fils : elle ne fut ni Agrippine ni Catherine de Médicis. Elle se brouilla même avec Napoléon au moment du sacre. Elle survécut à son fils, puisqu’elle mourut en 1836.

Les soeurs de Napoléon n’ont pas eu plus d’influence sur lui. Elisa, l’aînée, mariée avant Brumaire à un médiocre officier, Baciocchi, intelligente et cultivée, protégea Chateaubriand et géra efficacement son grand-duché de Toscane. Napoléon disait d’elle : « C’était une maîtresse femme. Elle avait de l’esprit, une activité prodigieuse et connaissait les affaires de son cabinet aussi bien qu’eût pu le faire le plus habile diplomate. Elle correspondait directement avec ses ministres, leur résistant souvent et parfois me forçant à me mêler aux discussions. » Si Elisa trouvait la tutelle impériale lourde, elle n’essaya jamais de peser sur les décisions de Napoléon.
Caroline, la plus jeune des soeurs de Napoléon, joua fréquemment un jeu personnel, poussant Murat, son époux, à briguer une couronne. La Pologne ? L’Espagne ? Ce fut Naples. Caroline refusa d’être reléguée dans l’ombre de Murat et exerça la régence en son absence. Elle mena une politique ambiguë que condamna Napoléon lorsqu’il apprit le traité d’alliance passé entre Naples et les coalisés en janvier 1814.
Reste Pauline, la préférée, la plus fidèle. À Sainte-Hélène encore, Napoléon affirmait qu’elle avait été « sans contredit la plus jolie femme de Paris ». Sa liberté de moeurs était grande. On sait comment, fière de ses charmes, elle se fit sculpter par Canova en Vénus victorieuse. Relayés par les mémoires attribués à Fouché qui prétendent que Napoléon, « au sortir de ses ravissements », proclamait sa soeur « la belle des belles », les pamphlets de la Restauration ont affirmé que l’Empereur aurait entretenu des relations incestueuses avec sa soeur. Pure calomnie. Mais il semble d’après certains billets publiés dans la Revue des Deux Mondes par Fleuriot de Langle en juin 1939, que la Paolina ait servi parfois d’entremetteuse à la cour, en glissant dans les bras du maître quelques jeunes beautés.

Premiers émois
Napoléon n’a pas échappé aux amourettes enfantines et aux émois des adolescents. Il y eut Giacominetta en 1774, Emma à laquelle il écrivit quelques lettres qui ont été retrouvées (« Seriez-vous méchante ou votre coeur a-t-il été donné ? »), Caroline Grégoire qui deviendra du Colombier, avec laquelle il mange des cerises sans penser à mal. À Valence il y eut aussi Mlle Lauberie de Saint-Germain qui épousera un Montalivet. L’initiation se fait au Palais Royal. Fin des amours platoniques. Le Palais Royal accueille en 1787 une foule de femmes galantes avec une variété de prix qui rend les plus jeunes accessibles à la bourse d’un lieutenant. Napoléon a dix-huit ans lorsque, le 22 novembre 1787, il croise sous les fameuses galeries une jeune prostituée timide, dépourvue de « l’air grenadier » de ses consoeurs, « d’un physique faible et d’une voix douce » qui ne peut que rassurer un client inexpérimenté. Bonaparte a consigné cette rencontre dans un texte qu’il garda longtemps avec lui, preuve qu’il en fut marqué. […]

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le n° en vente en ligne sur boutique.soteca-editions.fr.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *