Napoléon III et la guerre de Sécession

Tout au long des années 1850, les agents français en poste aux États-Unis, sensibles aux vifs débats entourant la question de l’esclavage, alertèrent régulièrement leur gouvernement des risques de scission pesant sur l’avenir des États-Unis. Ils soulignèrent les tensions croissantes opposant les États du nord à ceux du sud, autour de la question de son extension. Ces relations conflictuelles crédibilisèrent le scénario d’une rupture du pacte fédéral. À de nombreuses reprises l’Union fut sauvée in extremis de ce sort funeste par la rédaction d’un compromis providentiel. Mais les accords, arrachés de justesse, ne firent que reculer l’échéance du divorce qui survint, le 6 novembre 1860, avec l’élection d’Abraham Lincoln. Dans les États du Sud la victoire du républicain – qui, sans être partisan de la disparition de l’esclavage refuse que cette pratique gagne les territoires de l’Ouest – est vécue comme une déclaration de guerre. La sécession, pressentie depuis longtemps par les observateurs, finit par se produire.
Stève Sainlaude, Professeur agrégé, docteur en histoire, spécialiste d’histoire diplomatique

Avant que la nouvelle administration ne prenne ses fonctions, en mars 1861, sept États se retirent de la fédération ; ils sont bientôt rejoints par quatre autres. Ces onze États méridionaux décident de former un État séparé, la Confédération, dont le siège est fixé à Richmond. Il est présidé par Jefferson Davis. Si la naissance de cette république ne déconcerte pas les diplomates, ceux-ci sont davantage étonnés par l’escalade militaire qui s’amorce à la suite du bombardement par les Sudistes de la position fédérale du Fort Sumter. Cet événement, qui intervient le 12 avril 1861, est le point de départ de ce que les Français appellent la « guerre de Sécession », les Américains du sud « la guerre entre les États » et ceux résidant au nord tout simplement « la guerre civile ».

Le nouvel exécutif décide de ne pas transiger avec les révoltés. Il place leurs côtes en état de blocus et mobilise des troupes pour réduire la rébellion. Confrontée à un tel déchirement, la France proclame sa neutralité. Toutefois, pour parer aux effets éventuels des opérations navales opposant les adversaires, qui pourraient affecter le commerce des neutres, elle accorde au Sud le droit de belligérance. Comme son rival, il est soumis au droit de la guerre. Ce dernier statut n’est pas anodin car il confère aux insurgés une autorité morale. Il leur laisse entrevoir l’espoir d’une reconnaissance diplomatique de leur gouvernement. Cet espoir n’est pas insensé.

En effet, dans la lutte qu’ils mènent, les Sudistes peuvent compter sur un soutien de poids : celui de Napoléon III. Face à la guerre de Sécession, il a choisi son camp. Jaugeant les deux protagonistes, ses faveurs sont sans ambiguïté : elles vont au Sud. Et il ne craint pas que cela se sache. À plusieurs reprises, il exprime clairement son souhait de voir la sécession triompher. À l’époque, en Europe, avec Léopold de Belgique (qui ne peut se prévaloir de son influence), Napoléon III est considéré comme le champion de la cause sudiste.

Toute la question est de comprendre pourquoi Napoléon III choisit le Sud. Pourquoi penche-t-il du côté des rebelles et du camp des esclavagistes contre un gouvernement légitime et démocratiquement élu ? […]

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