Historien à succès du Consulat et de l’Empire, fasciné par l’épopée napoléonienne, Adolphe Thiers, tout au long d’une carrière politique riche en inflexions et en retournements, se révéla un opposant résolu à la personne et au gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte. Tentant d’abord de manoeuvrer à ses propres fins le Prince- Président avant que de combattre l’Empereur, ce champion de la bourgeoisie et du conservatisme social n’eut en effet de cesse d’affronter de sa plume ou du haut de la tribune celui à qui il devait finalement succéder au plus fort de la tourmente.
Raphaël Dargent, Historien
Deux points au moins rassemblent les deux hommes : leur ambition réciproque, mise au service de leur pays, et la commune détestation de leurs adversaires. Peu d’hommes politiques ont généré, de leur vivant comme après leur disparition, autant de mépris infondé et de rejet haineux. La lutte Thiers/Louis-Napoléon, c’est en somme, pour leurs contempteurs, celle de Foutriquet et de Badinguet, du « fossoyeur de la Commune » et de « l’auteur du coup d’État ».
Le chef du «parti crétin»
Le parcours d’Adolphe Thiers est tout simplement prodigieux. Son ascension politique s’étend sur la majeure partie du XIXe siècle, débutant peu après la chute du Premier Empire et atteignant la consécration juste après l’effondrement du Second Empire. L’homme traverse tous les régimes, Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République, Second Empire, détruisant les uns, servant les autres, parfois servant puis détruisant les mêmes.
Fils de la Révolution et de l’Empire, c’est dans le journalisme d’opposition à la Restauration qu’il s’illustre d’abord et construit sa notoriété. Proche du banquier Laffitte, fréquentant le salon de La Fayette, patronné par la haute figure de Talleyrand, il s’affirme dans la mouvance libérale comme le théoricien de la monarchie parlementaire. Participant par son rôle de portevoix à la chute des Bourbons, il oeuvre à l’avènement du duc d’Orléans et sert par deux fois la Monarchie de Juillet comme principal ministre, en 1836 et 1840, s’affirmant comme un défenseur de l’ordre social. Jamais plus ses convictions « orléanistes » ne le quitteront, même s’il finira par se rallier à l’idée d’une république, pourvu qu’elle fût conservatrice. Son opposition à Louis-Philippe sur des questions de politique étrangère le pousse à donner sa démission le 29 octobre 1840. Le virus de la politique ne le quitte pas pour autant : en décembre 1845, il signe un programme commun avec la gauche dynastique d’Odilon Barrot. […]
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