Les nourrices parisiennes

La question de la garde d’enfants, en nourrice ou en collectivité, est une problématique toujours d’actualité pour les parents et encore plus complexe dans la capitale et les grandes villes. La nounou est comme une « seconde maman » bien que le rapport avec l’enfant soit monnayé. L’histoire des gardiennes d’enfant montre à quel point il fut et il est toujours difficile de trouver une bonne nounou. De plus, les parents employeurs se devaient de la gratifier et de la choyer afin qu’elle prodigue les meilleurs soins, et le meilleur lait à leur nouveau-né. La littérature sur ce sujet abonde, surtout au XIXe siècle, période qualifiée « d’industrie nourricière ».
Par Klervi Le Collen, historienne des médias

La nounou est donc la femme qui garde un ou plusieurs enfants. Il y a quelques siècles, cette dernière était également celle qui nourrissait l’enfant à son sein jusqu’à son sevrage. Le mot nourrice puise son sens dans le verbe « nourrir », du latin « nutrire ». Depuis des millénaires, certaines femmes ne pouvant nourrir leur propre enfant ont fait appel à un autre sein nourricier dont elles louaient la prestation. De plus, le nombre de mères mourant en couche était fréquent. Il fallait donc trouver un moyen pour les nourrissons de survivre et donc d’être alimenté par une maman de substitution. Les nourrices remplissaient alors ces fonctions vitales, en gardant l’enfant soit à leur propre domicile, soit chez l’employeur pour les familles les plus aisées.

Durant le Moyen Âge, beaucoup de croyances influèrent sur le rôle de la nourrice et sur l’allaitement maternel. On estimait que le lait animal n’était pas adapté au petit homme car il aurait pu transmettre les caractéristiques négatives de la bête sur l’individu et, par conséquent, le « contaminerait ». Ainsi, l’enfant élevé au lait d’ânesse deviendrait idiot comme un âne,… De plus, dans les familles nobles, l’allaitement était perçu comme une pratique animale d’où le fait que beaucoup de poupons bénéficiaient de l’allaitement mercenaire (par une nourrice). Dans ces mêmes familles, il était d’usage de respecter une certaine distance avec son enfant. Ces nourrissons qui étaient élevés par une nourrice grandissaient avec leurs frères et/ou soeurs de lait.

L’administration parisienne et les nourrices

Les premières traces administratives du statut des nourrices datent de 1184. Il s’agit d’un bureau de placement pour les nounous et les servantes, dirigé par les recommanderesses. Ces dernières sont en charge de gérer l’offre et la demande, à l’hospice Sainte-Catherine (à l’angle de la rue Saint-Denis et de la rue des Lombards). Plus tard, un livre datant de 1292 renforce les règles et les recommandations de l’emploi d’une nourrice et le rôle du bureau de placement. Ces bureaux d’emploi vont devenir monopolistiques jusqu’au XVIIe siècle. Ils permettent de contrôler cette activité indispensable mais qui connaît alors de nombreux abus. D’autres écrits et textes apparaissent et cadrent cette profession. Par exemple, le texte de 1350 fixe les revenus. Face au taux de mortalité infantile très important chez les petits Parisiens, plusieurs textes tentent de remettre de l’ordre et d’assurer un peu plus de sécurité. D’une part, la seule façon de recruter passe par les bureaux de placement dans lesquels les recommanderesses, expertes des nourrices, proposent telle ou telle femme en fonction des besoins et du budget de la famille. On cherche à tout prix à éviter le recrutement par le bouche à oreille car ce dernier contribue à augmenter l’embauche de personnes peu consciencieuses.

En 1715, une ordonnance vient intensifier les règles. Les nounous doivent demander à leur curé un certificat attestant de leurs bonnes moeurs et de leur religion catholique. Elles doivent donner aux recommanderesses parisiennes leur certificat et ainsi les tenir informées d’un certain nombre d’autres éléments. Un peu plus tard, elles seront tenues de présenter une attestation médicale. Plusieurs articles stipulent qu’il est interdit à la nounou de s’occuper de plus d’un enfant, de chasser un enfant dont les parents ne payent pas sans l’autorisation de la police, de devoir déclarer toute nouvelle grossesse. On préfère d’ailleurs employer les filles-mères que les femmes mariées. […]

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