Les Halles, un carrefour marchand (1141-1969)

Né spontanément au début du XIIe siècle à l’intérieur du cimetière des Innocents, le marché des Halles s’est développé sous l’autorité des souverains – de Louis VI à Napoléon III – afin d’approvisionner les Parisiens. La livraison des produits, leur vente à la criée ou à l’amiable, puis leur redistribution ont entraîné, au centre de Paris, une activité nocturne intense durant huit siècles, jusqu’en 1969.
Par Dominique Leborgne

La plate-forme des Champeaux, épargnée par les crues de la Seine en raison de son altitude (33-35 m), est comprise entre la rue Saint-Denis (voie nord-sud qui relie la place de l’Hôtel de Ville à Saint-Denis) et la rue Saint-Honoré – axe est-ouest qui traverse le 1er arrondissement. Au milieu des champs, c’est un carrefour stratégique près duquel existent depuis le Xe siècle un vaste cimetière et l’église dédiée vers 1150 aux Saints-Innocents. Un commerce sauvage prospère dans ce cimetière, si bien que l’évêque Étienne de Senlis prend l’initiative de faire creuser le « fossé du Champeau » pour séparer la nécropole de l’espace marchand de cinq hectares. Il y taxe les échanges régis par la simple loi de l’offre et de la demande, puis très rapidement passe un accord avec Louis VI qui convoite ces nouvelles ressources. Le roi acquiert les Champeaux en 1137 pour y débiter le blé de Beauce vendu jusqu’alors dans l’île de la Cité et percevoir deux tiers des redevances tandis que le prélat en conserve un tiers.

Le marché du roi au lieu-dit «Les Champeaux»

Souhaitant rétablir leur suprématie économique, les monarques prennent des mesures énergiques pour accroître et réglementer cette foire artisanale quasi permanente. Ainsi, en 1141, Louis VII transfère aux Champeaux «le marché du roi» installé place de l’Hôtel de Ville. Philippe Auguste y transporte en 1181 la foire Saint-Lazare fréquentée par des marchands provinciaux et étrangers. Il fait édifier en 1183 deux halles imposantes en pierre coiffées d’un toit de tuiles à deux rampants. Les tisserands et les drapiers apprécient ce lieu commode, à l’abri des intempéries, entouré par le «gros mur du roi» en pierre qui garantit leurs précieuses marchandises du vol. Au sein de cette clôture s’implantent au hasard des loges, des étaux et des halles destinés aux échanges en gros et à une partie des ventes au détail. Les artisans parisiens ont l’obligation de fermer leurs ateliers-boutiques et d’aller y vendre leurs produits plusieurs jours par semaine. Les marchands originaires de province sont forcés d’y négocier leurs articles.

Devenu propriétaire à part entière du marché en 1222, Philippe Auguste fait clore le cimetière des Innocents afin d’y empêcher toute transaction. Saint-Louis commande deux halles spécialisées dans le débit du poisson de mer frais et salé, puis une troisième halle vouée aux merciers et corroyeurs (artisans qui transforment les peaux en cuir ou qui forgent les métaux). En 1278, Philippe III le Hardi ordonne l’élévation – le long du cimetière – d’une halle à la lingerie et d’une halle consacrée aux cordonniers et peaussiers. La foire Saint-Germain, achetée à l’abbé de Saint-Germain des Prés, y est transplantée de 1286 à 1483. Des marchands forains en provenance de Gonesse, Pontoise, Beauvais, Douai, Bruxelles, Louvain… font bâtir de petites halles particulières qui adoptent le nom de leur ville d’origine. Elles jouxtent les principales halles qui mesurent 100 m de long et 10 m de haut et comprennent souvent un étage. À l’intérieur, les étaux pourvus d’un mobilier adéquat – table, bureau, buffet, perches pour les vêtements, dressoir, armoires, étagères – offrent des marchandises à profusion. Le terme « les halles » évoque d’abord la pluralité de ces bâtiments puis évolue pour désigner l’ensemble du complexe marchand. […]

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