Ouverte en 1837, la gare Saint-Lazare est la plus ancienne de Paris. Un grand âge qui n’a pas empêché la vieille dame de réussir le tournant du XIXe siècle, devenant la seconde gare la plus fréquentée de la capitale.
Par Philippe-Enrico Attal, journaliste
En ce début du XIXe siècle, la France connaît un bouleversement sans pareil. La révolution industrielle qui débute bénéficie d’un atout incomparable grâce au nouveau moyen de transport qu’est le chemin de fer. Apparu en Angleterre, il va rapidement franchir la Manche et s’implanter chez nous. À l’origine, on l’utilise dans les mines pour déplacer les berlines de charbon. Mais peu à peu on prend conscience de son incroyable potentiel. Les progrès de la machine à vapeur permettent de concevoir des locomotives qui pourront grâce à une force prodigieuse tracter un ensemble de voitures chargées de marchandises mais aussi de voyageurs. Une première ligne s’ouvre en 1832 entre Saint-Étienne et Andrézieux.
Bientôt, Paris n’entend pas rester en marge du progrès et décide d’avoir sa ligne de chemins de fer. Banquiers, investisseurs, aventuriers, ils sont nombreux sur les rangs à tenter d’en obtenir la construction. Ce sont finalement les frères Pereire, Émile et Isaac, qui décrochent le 9 juillet 1835 la concession d’une ligne reliant Paris à Saint-Germain-en-Laye. L’embarcadère – on ne parlait pas encore de gare –, trouve place dans ce tout nouveau quartier de l’Europe qui sort peu à peu de terre. C’est le plus vaste lotissement engagé durant la Restauration dans la capitale. Tout ce secteur a fait l’objet d’une vaste spéculation dont les promoteurs ont acquis les terrains depuis 1821. L’embarcadère s’installe ainsi dans ce quartier qui, sans être central, offre encore de bonnes opportunités. Les Pereire l’auraient voulu plus proche encore du coeur de Paris. La rue Tronchet est envisagée, avec un bâtiment du côté de la place de la Madeleine. Un décret de 1837 leur accordait même cette gare finalement jamais construite devant l’opposition de la ville. Les Pereire avancent également une idée assez nouvelle. Si leur gare est suffisamment bien située, elle pourra servir pour d’autres lignes que la leur, recevant ainsi tous les trains de la région ouest. Une utilisation contre redevance, il va sans dire. Dans un premier temps, on construit donc cet embarcadère, qui, malgré son caractère encore assez modeste, vient bouleverser les plans d’aménagement des promoteurs. La disposition des voies vient contredire celle des rues et chaque fois que la gare aura besoin de s’agrandir, la topologie du quartier sera modifiée.
Une attraction qui attire les foules
Après moins de deux ans de travaux, la ligne est enfin inaugurée le 24 août 1837 et c’est l’enthousiasme général. La reine Marie-Amélie d’Orléans, accompagnée de ses enfants, est du voyage. Le roi Louis-Philippe en revanche ne s’est pas risqué dans cette aventure. On craignait en effet d’engager sa personne dans un transport lancé à l’incroyable vitesse de 8 lieues à l’heure, à peu près 35 km/h. Les jours suivants, la foule se presse à l’embarcadère pour découvrir ce nouveau chemin de fer. Pensez-donc : il ne faut (en théorie) que 28 minutes pour rejoindre Saint-Germain. Le trajet dure en réalité beaucoup plus longtemps. D’abord parce que les horaires de ces premiers trains sont encore assez relatifs. Les retards sont nombreux, l’organisation laisse à désirer et le chemin de fer se démarque encore assez mal de l’attraction foraine. L’autre cocasserie est que le chemin de fer de Saint-Germain… ne se rend pas à Saint-Germain. Il s’arrête en réalité au Pecq en raison de la forte rampe qui conduit à la ville royale. Il faudra attendre 1847 pour qu’on y parvienne enfin, à l’aide non pas de locomotives mais d’un système «atmosphérique», un tube posé au milieu de la voie qui, à l’aide de pompes à vapeur, aspire le convoi. Cet étonnant appareillage fonctionnera jusqu’en 1859. […]
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