Le château de Versailles est, aux XVIIe et XVIIIe siècles, une demeure royale accessible à tous pourvu que l’on soit correctement vêtu et porteur d’une épée. Mais ces entrées ne peuvent se faire qu’à pied. L’entrée en chaise à porteurs ou, mieux, en carrosse est exclusivement réservée à la haute noblesse de cour, qui compose l’entourage le plus proche du souverain. Ce privilège constitue l’essentiel de ce que l’on appelle les « honneurs du Louvre ». Ces derniers offrent également la possibilité de disposer d’un siège en présence de la famille royale et, à la chapelle, d’un carreau, c’est-à-dire un coussin, pour s’agenouiller (1). Signe quotidien et le plus visible pour toute la cour, ce rare privilège constitue un droit pour certains, une marque de la bienveillance et de la faveur royales pour d’autres.
Par Maxime Blin, historien
La cour, réunissant la famille royale, la haute noblesse et tous ceux qui sont amenés à côtoyer le roi de près ou de loin, suppose une organisation complexe. Henri III, le premier, rédige et promulgue deux règlements en 1578 et 1585 visant à organiser l’ensemble de la vie royale et donc la vie de cour en imposant, notamment, une distance entre le souverain et les courtisans. Louis XIV s’inspire beaucoup à Versailles de ces règlements, menant l’étiquette et le cérémonial à leur apogée. Or l’étiquette, qui gouvernait la vie de cour, était en grande partie non écrite. Elle était intériorisée par les différents acteurs de la cour, devenant ainsi une habitude, un comportement ordinaire systématique. Sa complexité, reconstituable uniquement à partir d’observations parcellaires, ne permet pas de présenter une étude précise des détenteurs et des mécanismes d’utilisation de ces honneurs.
Origine de l’expression
Comme leur nom l’indique, ces honneurs sont nés au Louvre, une des demeures royales au temps où la cour était encore itinérante. Au XVIe siècle, le roi n’utilisait son carrosse que pour les déplacements et les grands voyages. Il paraissait quotidiennement à cheval, symbole chevaleresque de puissance, dans l’exercice de ses fonctions. L’utilisation du carrosse était alors fort rare et seuls les enfants de France avaient pris l’habitude d’entrer à cheval, en chariot, en coche ou en litière au Louvre. Les princes et princesses les plus proches de la personne royale descendaient sous le porche, quand les autres seigneurs et officiers le faisaient dans la rue. Il semble qu’au cours des règnes suivants, cette possibilité (car on ne peut pas encore parler d’honneur) fut offerte à tout ceux qui arrivaient à en convaincre le roi.
C’est dans ce contexte que Charles IX décide, en 1572, de promulguer un règlement afin de restreindre la possibilité d’accès à la cour intérieure du Louvre. Ce règlement fait suite à une ordonnance du 24 octobre 1570 qui enjoignait au capitaine des archers de la Porte, chargé de la sécurité de la cour, « de ne laisser dorénavant entrer dans la cour de son logis aucune personne quel qu’elles soient à cheval ni en chariot, hormis la personne de Sa Majesté, celles des reines, sa mère et épouse, messeigneurs ses frères, mesdames ses soeurs, le roy de Navarre, messeigneurs de Lorraine, de Savoye et de Ferrare. Les autres princes entreront à cheval jusque dedans la Porte du dit logis, où ils descendront, et tous autres seigneurs descendront hors de la Porte à la barrière dudit logis ». Henri III confirme ce règlement et l’augmente en créant l’expression des honneurs dits « du Louvre ». Ce privilège s’étend progressivement à la haute noblesse – excepté les ducs et pairs –, aux cardinaux et aux ambassadeurs. Henri IV déroge aux règlements de ses prédécesseurs en accordant cet honneur au duc d’Épernon. Dans ce cas, ce ne sont plus le rang et la distinction qui procurent cet honneur, mais bien l’utilité. Et cette exception sera étendue aux ducs de Sully et de Bouillon en raison de leur âge et de leur indisposition. […]
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