Colbert et Versailles

« Grandeur et magnificence»: ces deux mots, qui concluent un aide-mémoire de Jean-Baptiste Colbert sur les chantiers des Bâtiments du roi, auraient pu servir de devise à Louis XIV, à côté du célèbre “Nec pluribus impar”. Ils correspondent presque mot pour mot à une devise choisie pour une médaille célébrant les Grands Appartements de Versailles, “Comitas et magnificentia principis” («affabilité et magnificence du prince»).
Par Thierry Sarmant Conservateur en chef, adjoint au directeur du musée Carnavalet à Paris

Il n’y eut nulle sympathie de Colbert pour Versailles. Le ministre fut l’un des principaux artisans de la création du château sans jamais avoir été favorable à ce grand chantier du Roi-Soleil. Situation paradoxale, qui pourtant éclaire la genèse d’une demeure devenue emblématique de l’ancienne monarchie française ainsi que les mécanismes du gouvernement de Louis XIV.

Colbert contre Versailles
Le 1er janvier 1664, le roi conféra à Colbert, qui était depuis trois ans l’un de ses principaux collaborateurs, la charge de surintendant des Bâtiments. Le ministre n’était pas dépourvu d’expérience dans ce domaine: il avait tout autant suivi les chantiers personnels de Mazarin que les chantiers officiels supervisés par le cardinal-ministre. Il remplaçait un personnage de second plan, Antoine Ratabon, en poste depuis 1656. Plutôt que dans la lignée de Ratabon, Colbert s’inscrivait dans celle de François Sublet de Noyers, surintendant sous Richelieu, qui avait entrepris de faire de la surintendance non seulement la grande administration des constructions royales mais aussi une sorte de direction des arts et des lettres. Il eut pour principaux collaborateurs Charles Perrault, le futur auteur des Contes qui fut son premier commis, Charles Le Brun, le premier peintre du roi, et Louis Le Vau, le premier architecte. Ce dernier, qui avait déjà à son actif une oeuvre prolifique à Paris et qui venait de travailler pour Fouquet à Vaux, était en contact direct avec Louis XIV. Le nouveau surintendant eut donc davantage les mains libres du côté du « ministère de la gloire » que sur les chantiers des maçons et des charpentiers.

Selon les conceptions de Colbert, Paris tenait une place centrale. La capitale du royaume devait devenir une « nouvelle Rome », où s’élèveraient palais et monuments publics, académies, bibliothèques et manufactures de prestige. Le Louvre, en chantier depuis François Ier, apparaîtrait, une fois achevé, comme le symbole de la monarchie, le plus beau et le plus vaste monument de France et peut-être même du monde. Colbert fit retirer à Le Vau la direction des travaux de la façade orientale du Louvre, et consulta ses collègues français et étrangers. En 1665, il fit venir en France Le Bernin, l’architecte de la Rome des papes. Le projet de l’Italien fut d’abord adopté, mais Le Bernin se brouilla avec Colbert. Finalement, un projet collectif français l’emporta: le morceau le plus réputé en est la Colonnade dite aussi «colonnade de Perrault», du nom de Claude Perrault, le frère de Charles, qui joua un rôle majeur dans l’élaboration du projet.

L’engouement de Louis XIV pour Versailles vint cependant contrarier les plans de Colbert pour Paris. […]

 

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