De Gaulle et Versailles

Le jeudi 3 août 1961 à 16 heures, alors qu’il s’apprête à recevoir le ministre des Affaires culturelles André Malraux dont la visite a été annoncée deux jours plus tôt, l’architecte-adjoint du château de Versailles Jean-Louis Humbaire reçoit un appel de l’Élysée, l’informant que le ministre sera accompagné du président de la République, le général de Gaulle. Une heure et demie après, alors que l’architecte-adjoint et le conservateur en chef du musée, Gérald Van der Kemp, viennent à peine de faire évacuer le palais et la cour d’Honneur, la DS présidentielle franchit la grille de la cour.

Par Fabien Oppermann. Conservateur du patrimoine au ministère de l’Éducation nationale.

Le président à Trianon En ce jour d’été lumineux, le général de Gaulle a visité à l’improviste trois châteaux : Compiègne le matin, Fontainebleau en début d’après-midi, pour finir par Versailles. Ainsi qu’il l’explique à Humbaire et à Van der Kemp, ces visites ont un triple objectif : il cherche un site qui puisse à la fois servir de résidence pour les chefs d’État en visite en France, de lieu de séminaire pour les réunions des chefs d’État ou de gouvernements européens et, le cas échéant, de résidence pour le président de la République française. Il confie à Humbaire : «Il faut admettre que le chef d’État est mal logé à l’Élysée, qui est trop petit et placé au milieu des automobiles. Il n’est pas impossible que le chef de l’État vienne un jour habiter à Trianon.» Versailles n’est pas un endroit inconnu du général. Au-delà du symbole de l’humiliation de 1871, qui vit la proclamation de l’Empire allemand dans la galerie des Glaces et qui dut être rappelée à maintes reprises au jeune saint-cyrien entre 1908 et 1912, et au-delà de la signature du traité de 1919, qui annonce à la fois la victoire des alliés et les orages futurs, Versailles entre dans la vie du général dès 1920, lorsqu’il invite au bal de Saint-Cyr la jeune Yvonne Vendroux, rencontrée quelque temps plus tôt ; le bal se tient cette année-là à l’hôtel des Réservoirs, tout proche du château. Résidence versaillaise de la marquise de Pompadour, l’hôtel des Réservoirs est devenu dans les années 1870 un établissement huppé de la ville, où se côtoient riches et puissants. En 1919, un an avant le bal de Saint-Cyr au cours duquel de Gaulle se serait déclaré à sa future épouse, l’hôtel héberge la délégation allemande chargée des négociations du traité de paix; le bâtiment est finalement racheté par l’État en 1934. Une seconde fois, en 1945, Versailles entre dans la vie du général lorsque, chef du gouvernement provisoire, il envisage de s’installer au pavillon de la Lanterne, dans le parc du château. C’est finalement son successeur, Félix Gouin, qui en profitera (…)

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