Dossier France-Russie : Napoléon et Alexandre, l’impossible alliance

En juillet 1807, après deux semaines d’entretiens qui ont réuni Napoléon, Alexandre Ier et leurs conseillers à Tilsit, l’accord conclu semble installer une alliance solide qui, fondée sur des intérêts communs, met un terme au conflit débuté en 1805. Pourtant, moins de cinq ans plus tard, en juin 1812, la Grande Armée, forte de plus de 400 000 hommes représentant vingt nations, franchit le Niémen et envahit l’Empire russe : débute alors la plus grande campagne militaire de toute l’histoire du XIXe siècle. Comment en est-on arrivé là ? Et pourquoi ce choc titanesque qui jeta dans la guerre près de 900 000 hommes en tout ?
Marie-Pierre Rey – Professeur d’histoire russe et soviétique à l’Université de Paris I – Panthéon Sorbonne

Venu en vaincu à Tilsit, Alexandre Ier s’est vu offrir par Napoléon, soucieux d’associer le tsar à sa lutte contre la perfide Albion, une paix généreuse. Pour l’Empereur des Français, l’ennemi, c’est l’Angleterre et le conflit armé qui a opposé la France à la Russie aurait pu être évité car il n’était en rien fondé.

La lente dégradation des relations franco-russes

À la veille de la bataille d’Austerlitz, de manière bien caractéristique, Napoléon écrivait à Talleyrand, alors son ministre des Relations extérieures: « Il y aura probablement demain une bataille fort sérieuse avec les Russes ; j’ai beaucoup fait pour l’éviter, car c’est du sang répandu inutilement. J’ai eu une correspondance avec l’empereur de Russie: tout ce qui m’en est resté, c’est que c’est un brave et digne homme mené par ses entours, qui sont vendus aux Anglais […] ». Mais, de son côté, Alexandre Ier, pourtant francophile, arrive à Tilsit avec des vues nettement plus critiques sur son interlocuteur.

Né en décembre 1777, Alexandre est l’aîné des petits-enfants de Catherine II qui, le destinant très tôt au trône, le soustrait, alors qu’il a sept ans, à l’influence de ses parents pour le faire éduquer auprès d’elle au Palais d’hiver. L’enfant y grandit dans une atmosphère francophone et francophile : Catherine correspond avec Voltaire, pensionne Diderot et elle fait jouer à la Cour des pièces de théâtre tirées du répertoire français. Ce goût pour la culture française, Alexandre le retrouve au château de Pavlovsk que sa mère, la grande duchesse Maria Fiodorovna, décore avec raffinement, important des plus grands ateliers français, tableaux, meubles, pièces d’orfèvrerie et objets d’arts décoratifs. Ces références esthétiques marqueront durablement le tsar. Certes, à la fin de sa vie, en proie à un mysticisme aigu, il se détourne de la culture et de l’art, ne lisant plus que la Bible et des ouvrages de piété. Mais jusqu’en 1820 au moins, il garde un goût marqué pour l’art de vivre à la française.

Devenu empereur en mars 1801, il enrichit les collections impériales de peinture française, invite en Russie des troupes parisiennes de renom et, par des contrats permanents, pensionne des acteurs français alors très en vue. Profond, cet attachement à la culture française résistera à la guerre de 1812. Si, pour ne pas heurter l’opinion publique, Alexandre Ier fera fermer tous les théâtres français, il donnera des instructions précises pour assurer la protection des acteurs désireux de rester sur le sol russe, continuera de pensionner les artistes condamnés au chômage et approvisionnera sa table en vins de Bourgogne et champagnes Veuve Clicquot. […]

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