Sur fond de débâcle et d’occupation militaires, la Commune de Paris, à la fois sursaut patriotique et explosion révolutionnaire, constitue un moment dramatique de l’histoire de la capitale. L’événement, qui a pris figure de mythe dans la mémoire nationale, fait encore l’objet d’interprétations politiques divergentes. L’analyse des faits impose pourtant un regard apaisé et une présentation objective : ce fut une tragédie.
Par Raphaël Dargent
Début février 1871, la guerre contre la Prusse est terminée. Paris a subi un siège long et pénible, particulièrement pour les classes populaires. Si l’Assemblée transférée à Bordeaux et le gouvernement d’Adolphe Thiers s’estiment contraints de négocier la paix, une partie de la population parisienne refuse cet état de fait ; la garde nationale – 260 bataillons, soit près de 400 000 combattants ! – est peu à peu gagnée par ce mouvement d’opposition. Le gouvernement souhaite contenir la révolte, mais le général Vinoy, commandant en chef de l’armée de Paris, dispose d’une force insuffisante ; celui-ci décide de se replier sur la rive gauche de la Seine et abandonne quatre cents canons sur la place de Wagram, à Passy, au parc Monceau et à Auteuil.
Le 27 février, la population parisienne est informée par voie d’affiche que les Allemands entreront dans la capitale le 1er mars ; la colère gronde. Les gardes s’emparent des canons du parc Wagram et les transportent à Belleville, à Montmartre, aux Buttes-Chaumont, à la Villette ou place des Vosges. Le lendemain, les arrondissements périphériques, de Belleville aux Batignolles et à la place d’Italie, ne reconnaissent plus l’autorité de l’Hôtel de Ville, et le Comité central de la garde nationale appelle la population à ériger des barricades autour des quartiers que doit occuper l’ennemi. C’est ainsi que, le 1er mars, la plupart des boutiques se trouvent fermées, les rues désertées et que les drapeaux noirs flottent aux fenêtres. L’hostilité de la population est tellement forte que, le 3 mars, les troupes allemandes évacuent Paris sous les sifflets.
L’Assemblée décide de s’installer à Versailles ; quant à Thiers, il est résolu à récupérer les canons et à reprendre en main la capitale. La plupart des ténors républicains – Jules Favre, Ernest Picard, Jules Simon ou Jules Ferry – sont partisans de l’épreuve de force. Le Comité central, lui, s’enhardit et menace de constituer la Commune de Paris en république indépendante. Clemenceau, maire du 18e arrondissement, tente bien de trouver un compromis afin d’éviter le pire, mais rien n’y fait. Pire, l’Assemblée contribue à radicaliser la révolte en adoptant plusieurs mesures impopulaires. Mi-mars, les gardes nationaux constituent une fédération qui procède à l’élection des membres du Comité central.
L’explosion du 18 mars
La prise des canons constitue un casus belli. Thiers veut reprendre possession de ces armes dès le 18 mars. Mais dans l’ascension de la butte Montmartre par la troupe, un incident se produit : le factionnaire Turpin, du 61e bataillon de la garde nationale, est tué alors qu’il demandait aux soldats du général Lecomte de stopper. Cela suffit pour déclencher l’explosion. Le tocsin retentit, les gardes nationaux courent aux armes. À neuf heures, le basculement a lieu : les gardes républicains sont désarmés et conduits à la mairie de Montmartre où Clemenceau tente d’apaiser la foule. […]
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