« Messieurs, au couvert du Roi !« . En prononçant ces paroles, l’huissier de salle frappe de sa baguette à la salle des Gardes du roi afin que l’un d’eux l’accompagne prévenir le service du Gobelet de mettre le couvert du roi. Les repas, moments clés de la journée de Louis XIV, sont réglés par un extraordinaire cérémonial, savamment orchestrés par le service de la Bouche du roi. Ils participent du prestige de la vie de cour instaurée par Louis XIV à Versailles et reflètent les goûts raffinés du roi en matière de gastronomie.
Par Hélène Delalex, attachée de conservation au château de Versailles
A 13 heures, le roi dîne seul au Petit Couvert, dans sa chambre, sur une table carrée installée face aux fenêtres. Il invite quelquefois Monsieur, son frère, à partager sa table ; le roi lui propose alors un tabouret. De temps en temps, il demande qu’on lui fasse la lecture – Racine eut souvent cet honneur –, et trois ou quatre fois par an, les Vingt-quatre violons du roi accompagnent en musique le repas royal. Mais s’il dîne « seul », c’est devant des dizaines de courtisans se tenant debout devant lui. «Il n’y a rien de plus ennuyeux que de manger seule en ayant autour de soi vingt gaillards qui vous regardent mâcher et comptent les bouchées; c’est pourquoi mon dîner, je l’expédie en moins d’une demi-heure», se lamente Madame Palatine dans une lettre datée du 3 février 1707.
À 22 heures, le roi soupe au Grand Couvert, accompagné de la famille royale, dans l’antichambre du Grand Appartement de la Reine puis, à la mort de celle-ci en 1683, dans l’antichambre de son Grand Appartement. Le Grand Couvert est un véritable spectacle auquel assistent, fascinés, une centaine de courtisans privilégiés. Le grand repas public est d’ailleurs d’un usage ancien à la cour de France – il remonte au Moyen-Âge – mais c’est sous le règne de Louis XIV qu’il déploie le plus grand apparat.
La Bouche du roi
Les officiers de la Bouche du roi s’activent en tous sens dans le Grand Appartement. Ce service de l’institution de la Maison-Bouche, dirigée par le Grand Maître de France, a la responsabilité des repas du roi et de la famille royale. La Bouche du roi est elle-même divisée en deux offices : d’une part le Gobelet, comprenant la Paneterie-Bouche (en charge du pain, du fruit, du linge de table et du couvert du roi) et l’Échansonnerie-Bouche (en charge des boissons), et d’autre part la Cuisine-Bouche, fournissant les aliments servis à la table royale.
Devant la cheminée, les officiers dressent une table rectangulaire recouverte d’une longue nappe blanche. Ils y déposent les assiettes d’or pour le souverain, de vermeil pour la famille royale. À droite de l’assiette du roi, ils placent le cadenas – un coffret de métal précieux fermant à clef, d’où son nom –, contenant le couvert du roi : cuillère, fourchette, couteau, cure-dent, pain. Pour éviter tout empoisonnement, il n’est ouvert qu’au dernier moment. […]
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