Dimanche 27 mai 1725. En dépit d’un beau soleil de printemps, l’atmosphère est glaciale à Versailles. La cour ne se remet pas des propos de LouisXV, le matin même, aux privilégiés qui assistaient à son petit lever : «Messieurs, j’épouse la princesse de Pologne !» Dans tout le château, on parle déjà de mésalliance. Comment le Roi très Chrétien peut-il épouser la fille d’un souverain éphémère qui vit en exil dans une bourgade d’Alsace ? En quelques heures, la princesse inconnue devient une sotte, épileptique et scrofuleuse. Et l’on glose sur son âge : vingt-deux ans, sept de plus que le jeune roi ! Voltaire lui-même se défoule en écrivant à son amie la marquise de Bernières : «Ceci ressemble au mariage du soleil qui faisait murmurer les grenouilles. » Ce serait pire encore si les médisants connaissaient les dessous de ce projet d’union… Car il est issu des intrigues d’un prince du sang, le duc de Bourbon, et de sa maîtresse, l’ambitieuse marquise de Prie.
En 1721, Louis XV avait déjà été fiancé à l’infante d’Espagne Marie-Anne-Victoire par son oncle Philippe d’Orléans, alors Régent de France. L’enfant-roi avait onze ans et la fillette tout juste trois… Deux ans plus tard, le Régent meurt subitement. Profitant du désarroi général, le duc de Bourbon obtient de lui succéder. Sitôt installé, le nouveau ministre s’inquiète : si le jeune roi venait à mourir sans héritier, le duc d’Orléans, fils du défunt Régent, lui succèderait. Situation inacceptable pour un Bourbon! Il faut donc renvoyer l’infante et marier rapidement Louis XV avec une princesse en âge de procréer.
Le duc de Bourbon parvient sans trop de difficultés à ses fins en proposant aux membres du Conseil de fiancer le roi à une certaine Marie Leszczynska, princesse de Pologne. Après quelques hésitations, le Conseil accepte.
Fille instruite d’un roi déchu
Marie Charlotte Sophie Félicité Leszczynska est née en Pologne le 23 juin 1703, au couvent de Trzebnica, non loin de Breslau (aujourd’hui Wroclaw). Elle est la fille de Stanislas Leszczynski et de Catherine Opalinska, tous deux héritiers de familles qui comptent parmi les plus riches et les plus influentes de Pologne. À la naissance de Marie, Stanislas a vingt cinq ans. Il exerce la fonction de voïvode de Poznan, siège au Sénat et porte le titre de comte de Leszno. Un an plus tard, il est élu roi de Pologne grâce au soutien du jeune roi de Suède, Charles XII. Mais le précédent souverain, Auguste II, allié des Russes, refuse d’abdiquer. Stanislas règne brièvement, avant de fuir avec sa femme et ses deux filles devant les armées russes qui ravagent la Grande Pologne. Au terme d’une longue errance, ils se réfugient d’abord en Poméranie suédoise, puis en Suède, ensuite au duché de Deux-Ponts et enfin en Alsace, à Wissembourg.
Anne-Muratori-Philip, Correspondant de l’Institut
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