La véritable Casque d’Or

On ne le sait pas toujours mais la belle Simone Signoret n’est que la Casque d’Or d’un film, celui de Jacques Becker de 1952. Amélie Élie, la vraie Casque d’Or, était née à Orléans, non «le 17 juin 1879» aux dires de ses Mémoires, mais le 14 mars 1878. «Lilie» a deux ans quand sa famille s’installe à Paris, impasse des Trois-Soeurs dans le 11e arrondissement. Prenant 26, rue Popincourt, cette venelle était au coeur du «faubourg du fer». Le père était ferblantier, tout s’explique.
Par Claude Dubois, journaliste et historien de Paris

Magnifié par Simone, le «casque» des cheveux d’Amélie était d’un «or mat très apprécié». Blonde de «partout», Amélie avait aussi le bleu des yeux pailletés d’«or». Son petit nez épaté est «polisson», sa bouche, gourmande, ses mains, mignonnes. Sur le ventre, pareille à «une blanche robe de nacre», sa peau est lisse. Quoique pourvue de «nénés […] gamins» et dépourvue d’«un arrière-train de cheval d’omnibus», Amélie s’en flatte : elle satisfait le «plus grand nombre» de ces messieurs dont elle vit… Bref, Amélie faisait moins femme que Simone. Et, question sans réponse : puait-elle «de la gueule à quinze pas» comme le prétend Émile Chautard ? 30 mai 1902, Manda, l’amant trompé de Casque d’Or, comparaît aux Assises. De l’avis du Matin du 31, Amélie, «classique fille des maisons de rendez-vous sinon des trottoirs», n’est pas «admirable». Douce, sa voix traîne à la façon du peuple de «Pantruche», argot de «Pantin» qui, depuis la Restauration, signifie Paris. Avant la Guerre de 14, «Paname», le plus célèbre des petits noms de Paris, ne s’entendait pas. Pour «les petites filles de Charonne», le balmusette était tout, elles ont «la danse dans le sang.» Casque d’Or ne mentionne pas l’accordéon : l’instrument n’a régné sans partage qu’après 1918. La musique démarre, se souvient Lilie, et la «mauvaise graine en jupons, toute la racaille des tas de sable et des joueuses “à la marchande” dégringole et se précipite» à la porte du bal. À treize ans, les filles dansent, et commence alors «l’éternelle histoire de Casque d’Or…»

À «treize ans», oui, elle se met en ménage avec le Matelot, quinze ! Tant pis pour la mémoire de Paris, Amélie ne situe pas ce misérable hôtel des Trois-Empereurs «au fond d’une cour» qui les accueille… Des grâces de son chéri, «ouvrier serrurier», elle perd ce qu’elle appelle «le petit capital d’une femme». En 1892, chez les «ouverriers» – prononciation ironique du Jean Lorrain de La Maison Philibert, roman vaguement inspiré de l’affaire Casque d’Or –, le tutoiement n’allait pas de soi : au début, le Matelot vouvoyait Amélie ! «Le Matelot» parce que, momignard, il avait longtemps porté la tenue très en vogue de petit marin. Sur plainte du père, Amélie est envoyée en maison de correction, un mois, puis quatre. Sitôt sortie, elle rejoint le Matelot… Seulement, «l’amour qui n’est pas fouetté tombe à rien», à la fin 1893 : adios ! Il lui faut «la flamme, du tremblement, des rêves bleus».

Çà et là, la future Casque d’Or avait rencontré Hélène «de la Courtille». «Cette belle fille» la recueille chez elle, rue Dénoyez dans le 20e. […]
Retrouvez l’intégralité de l’article dans le n°8 en vente en ligne sur boutique.soteca-editions.fr.