« Prenez le coeur de saint François ou de Lincoln, ajoutez le talent de Léonard de Vinci, l’éloquence de Shakespeare, les connaissances militaires de Napoléon et vous aurez le colonel Lawrence. » (Vyvyan Richards) (1). « C’était un garçon très bizarre, un comédien-né! » résume, plus prosaïque, un autre écrivain, Georges Bernard Shaw, lorsque le 19 mai 1935, les journalistes lui apprirent la mort du « roi sans couronne », le colonel Lawrence. Entre les hyperboles dithyrambiques de l’un, et le scepticisme ironique du second, quelle fut la réalité du fameux Lawrence d’Arabie?
Marie-Hélène Parinaud, Docteur en histoire
Son père Thomas Tighe Chapman épousa en 1873 une jeune femme de son milieu, dont il eut quatre filles. Il vivait en Irlande, en rentier, sur la propriété familiale de killua-castle jusqu’à ce que frappé par le démon de midi, il s’enfuit avec la baby-sitter, Sarah Junner. Le nouveau couple, sous une fausse identité, Lawrence, eut cinq garçons. Les désormais, Lawrence, de crainte d’être découverts, déménageaient fréquemment. Le couple était voué à cette existence « marginale », hanté par la crainte de laisser échapper leur secret. Le jeune Lawrence (Thomas Edward) naquit le 15 août 1888. La famille s’installa à Oxford en 1896.
Très tôt le garçonnet s’intéressa à l’archéologie et se distingua par une propension au mensonge voire à la mythomanie. Défaut que ne prouvaient décemment lui reprocher ses parents qui y vivaient constamment. Cet aspect de sa personnalité se manifestait parfois dans les très petites choses mais avec un aplomb absolu qui ne souffrait pas la contradiction. C’est ainsi qu’il se vanta toute sa vie d’avoir lu en trois ans la totalité des 50 000 volumes de la bibliothèque municipale (2), en restant nuit et jour, allongé sur un matelas posé à même le sol. Sa vantardise ne se limitait pas au seul domaine de la lecture mais, d’une façon systématique, c’était son attitude dès qu’il avait à faire avec un inconnu. Physiquement il était de petite taille, blond les yeux bleus, ayant une tête disproportionnée, très longue, et une curieuse voix de fausset qui ne mua jamais.
Lié avec deux jeunes Arabes
Obtenant une bourse universitaire, il prépara une thèse d’archéologie qu’il obtint en 1910. Il aimait à mêler à ses fouilles archéologiques des exercices d’endurance pour épater ses camarades, comme de voyager sur le capot d’une locomotive plutôt qu’à l’intérieur du wagon. Il obtint un poste d’assistant archéologue, grâce à l’appui d’un de ses anciens condisciples d’Oxford, Hogarth, devenu chef des fouilles du tertre de Carchemish, au Moyen-Orient. Lawrence savait particulièrement bien s’y prendre avec les ouvriers indigènes. Il organisait des concours de rapidité entre eux, tout en se perfectionnant dans l’apprentissage de la langue arabe et sa connaissance de leurs moeurs.
Il tomba amoureux de deux jeunes âniers dont il vantait dans ses lettres, les gestes gracieux et la démarche séduisante. L’un d’eux, Dahoum(3), 15 ans, d’une grande beauté, fut la passion de sa vie. Ils vivaient ensemble et Lawrence qui s’exerçait à la sculpture, le prit comme modèle, tant il trouvait son corps admirable. Il le fit poser nu sur le champ de fouilles. Si les Arabes étaient convaincus de son homosexualité, les Anglo-Saxons présents sur le chantier, comme plus tard ses biographes, nièrent catégoriquement toute allusion à cet aspect. L’autre compagnon de Lawrence, plus âgé, Hamoudi avait commis plusieurs meurtres, ce qui ajoutait, disait-il, à son charme. […]
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