Certains endroits traversent le temps sans perdre leur âme. Le Caveau de la Huchette (5e arrondissement) fait partie de ceux-là ! À quelques mètres de la cathédrale Notre-Dame, cette boîte de jazz vibre sous les doigts agiles des meilleurs musiciens américains et français depuis 1946. Dans ce Cotton Club parisien, le swing donnent le “la” aux danseurs de be-bop, de boogie-woogie ou de rock’n roll.
Par Cathy Brion
Habitués, amateurs, touristes ou simples curieux… Le Caveau ne laisse personne indifférent. « C’est une grande famille ! » s’exclame Dany Doriz qui veille depuis plus de trente ans sur ses “enfants”. Derrière le bar, au vestiaire ou sur la piste, ce génial vibraphoniste et son équipe ont toujours un regard ou un mot chaleureux à dispenser à la clientèle. « On vient pour le jazz, mais aussi pour l’ambiance, poursuit- il. À tout moment, il peut se passer quelque chose d’inattendu et de fantastique : un couple qui fait le show ou un boeuf avec des musiciens de passage.»
Si les entrailles du Caveau offrent une ambiance survoltée, le rez-de-chaussée dispense une atmosphère plus feutrée. Dans cette salle aux vieilles pierres apparentes, de chaudes lumières artificielles nimbent de jaunes orangés les sièges et les banquettes de velours rouges. Au-dessus du bar et sur les murs, les photos “souvenirs” s’alignent comme une galerie de portraits : Bill Coleman, Al Grey, Sydney Bechet, Art Blakey, Bob Wilber, Lionel Hampton… Des gloires du jazz qui ont participé à la renommée du lieu. Plus loin, la ceinture de chasteté, les crânes, les épées et autres vestiges témoignent de l’histoire des lieux.
Quand les murs parlent
Sous l’Ancien Régime, le 5 de la rue de la Huchette sert de repère aux Rose-Croix et aux Templiers, puis devient une loge maçonnique dans les années 1770. Les initiés se réunissent dans les caves donnant sur deux souterrains. L’un mène à la prison du Petit Châtelet (détruite en 1782), l’autre conduit au Cloître de Saint-Séverin. Aménagée ensuite en taverne, l’enseigne du “Caveau de la Terreur” accueille les clubs des Cordeliers et des Montagnards. Entre chansons libertines et libertaires, les hommes de la Révolution discutent de l’avenir de la France. Saint-Just, Marat, Danton et Robespierre griffonnent la liste des prochaines victimes de “la Veuve” (la guillotine). Les caves servent alors de geôle, de tribunal et de salle d’exécution. Les prisonniers s’y entassent dans l’attente d’un jugement souvent lapidaire. Certains sont enterrés vivants ; d’autres, exécutés et jetés dans le puits. […]
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