Le chocolat : entre remède et douceur

Sous le Consulat et l’Empire, la boisson chocolatée était consommée principalement dans les milieux urbains et dans les classes aisées. Les fabricants tenaient boutique surtout dans les artères commerçantes de la rive droite, entre les rues Saint-Honoré et Saint-Denis. Le cacao ne sortit des beaux salons qu’à partir des années 1820-1840, bénéficiant de progrès technologiques et de la création de grandes fabriques.
Par Chantal Prévot/ Responsable de la bibliothèque de la Fondation Napoléon.

En 1806, un chroniqueur s’amusa à décrire l’exploration menée par deux jeunes gens du beau monde dans le faubourg ouvrier Saint-Marcel, aux limites sud du Paris d’alors.
Les « aventuriers » poussèrent l’audace jusqu’à prendre place dans un théâtre populaire, ce qui permit à l’auteur de souligner le contraste entre l’ambiance du parterre et la pièce représentée : « L’orchestre de deux violons désaccordés, d’une clarinette glapissante et d’un fifre criard écorchent une ouverture, les spectateurs se remuent lourdement, se placent, et la toile levée laisse voir un perruquier gascon prenant une tasse de chocolat avec la gouvernante de Julie. Grâce à la rapidité du débit des acteurs, le premier acte fut bientôt terminé. Pour délasser les spectateurs fatigués d’une attention pénible, le pot de bière, le flacon de vin circulent à la ronde, les noix et les pommes croqués tout à tout, formaient un concert digne d’une assemblée de rats » (Egron, Voyage aux faubourgs Saint-Marcel, 1806).

On ne pouvait décrire plus symboliquement l’écart social entre les deux classes : en prenant d’un côté une tasse de chocolat, synonyme de l’opulence, prise dans une maison de la haute société où la domesticité comprenait une gouvernante, et de l’autre des bouteilles de vin ou de bière partagées sans façon par un groupe de manouvriers des faubourgs. L’imaginaire collectif liait le chocolat à la rareté, au luxe et à la préciosité, tandis que le café, les boissons alcoolisées représentaient le quotidien et l’effort. Le chocolat restait futile, le café et le vin s’avéraient nécessaires.

Sous le Premier Empire, ce produit colonial restait cher et mal distribué, au contraire de son faux-frère, le café, qui connut un succès foudroyant dans toutes les couches sociales de la société. Facilement achetable dans les épiceries et sur les étals des marchés des grandes agglomérations comme des campagnes, le café était bu le plus souvent baptisé de lait et sucré.

Pour lire la suite de l’article, commandez NAPOLEON 1er magazine n°79 sur boutique.soteca-editions.fr