Le hameau de Marie-Antoinette à Trianon

HAMEAU DE LA REINE
© Jean-François Krause

S’il fallait choisir dans Versailles un endroit définitivement et presque exclusivement associé à la reine Marie-Antoinette, le hameau de Trianon viendrait certainement en tête de tous ceux qu’elle a pu marquer de son empreinte. Pourtant, et paradoxalement, le Hameau est celui qui exprime le moins de tous l’idée de monarchie avec tout ce que ce terme implique de grandeur et de faste. Mais l’Histoire et la légende se sont associées pour faire du Hameau l’expression même du goût d’une reine, de ses fantaisies sinon de ses caprices, mais aussi l’endroit où, fuyant son état de souveraine, elle put desserrer le carcan lié à son rang et à son siècle pour laisser libre cours à un (pseudo) retour à un ordre où la nature reviendrait au centre des préoccupations.
Par Yves Carlier. Conservateur en chef au château de Versailles.

Après avoir reçu en 1774 de Louis XVI la jouissance du Petit Trianon récemment élevé par l’architecte Ange- Jacques Gabriel, Marie-Antoinette ordonna une série de transformations des abords du château, destinées à mettre au goût du jour – et au sien – ce domaine qui ne cessa d’accaparer son attention. Une grande partie des anciens jardins créés pour Louis XV et des serres fameuses en leur temps disparurent pour laisser la place à un jardin tracé selon le goût anglais où la nature était recomposée de telle manière que l’on oubliait que la main de l’homme l’avait façonnée. Comme tout jardin de son espèce, il se devait d’être agrémenté de fabriques dont les plus célèbres sont le temple de l’Amour, le Belvédère ou la grotte rustique.

À peine achevé, ce premier jardin reçut une extension au nord, extension dans laquelle l’architecte de la reine, Richard Mique, conçut – sur une idée traditionnellement attribuée au peintre Hubert Robert – un village de campagne qui est une fabrique à lui tout seul. Déployé autour d’un lac et traversé par une rivière, le hameau de Trianon marque à Versailles le point culminant du retour à la nature tel que le concevait l’aristocratie en cette fin de siècle. Les concepteurs du Hameau imaginèrent un cadre bucolique en recréant un monde pastoral idéal où une vie paysanne simple et frugale, symbole de toutes les vertus primitives diluées dans la vie de société, redevenait l’élément central. Ce retour à la nature impliquait également une inclinaison pour les produits naturels symbolisés ici par la production et la dégustation du lait et de ses dérivés (fromage, crème, beurre) dont on vantait les mérites, alors que l’allaitement maternel retrouvait grâce aux yeux des mères dans les hautes sphères de la société prérévolutionnaire.

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