Veuve depuis le 18 août 1765 de l’empereur François Ier, duc de Lorraine, Marie-Thérèse, reine de Bohême et de Hongrie, était une femme énergique, courageuse, à la fois pieuse et glorieuse, pleine d’ambition pour son pays et sa famille. Ne pouvant accéder à la dignité suprême du Saint Empire romain, réservée à un homme, elle régnait au côté de son fils aîné, Joseph, qui avait reçu la couronne de Charlemagne sous le nom de Joseph II, régentant de sa main de fer gantée de velours les États héréditaires des Habsbourg. Soucieuse de caser sa nombreuse progéniture dans les nids princiers et royaux d’Europe, elle ne cessait d’échafauder des combinaisons matrimoniales lui permettant de poursuivre la politique de grandeur de l’aigle noir bicéphale. L’Augustissima unit ainsi une de ses filles, Marie-Christine, au prince Albert de Saxe-Teschen, en installa une autre, Marie-Amélie, sur le trône du duché de Parme, fit de Marie-Caroline une reine de Naples et de Léopold un grand-duc de Toscane. L’idée de resserrer les liens entre l’Autriche et la France par un prestigieux mariage entre Louis Auguste, duc de Berry, petit-fils de Louis XV, et Maria Antonia Josepha Johanna – autrement dit Marie-Antoinette –, quinzième des seize enfants de François et de Marie-Thérèse (six étaient morts en bas âge), occupait les chancelleries des deux pays depuis 1764.
Par Jean-Christian Petitfils. Historien.
D’un an plus jeune que son futur mari, l’archiduchesse était née à la Hofburg le 2 novembre 1755. Pour Choiseul, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, comme pour Louis XV, l’union de l’héritier présomptif de la couronne et de la fille des Césars était un moyen de consolider l’alliance qui, après avoir causé tant de déboires, paraissait un gage de stabilité en Europe, empêchant le rapprochement de l’Autriche avec la Prusse et la Russie. La France et l’Autriche s’étaient affrontées à deux reprises au cours du siècle, lors de la guerre de succession de Pologne (1733- 1738), puis celle de succession d’Autriche (1740-1748). En mars 1756, Frédéric II, roi de Prusse, allié de la France, s’étant tourné vers l’Angleterre, Louis XV s’estima trahi et accepta de s’entendre avec l’ennemie d’hier. Tel fut ce qu’on a appelé le « renversement des alliances », qui devait avoir tant de conséquences jusques et y compris sous la Révolution française.
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