Le 9 mars 1661, épuisé par la maladie, « l’Eminentissime et Illustrissime cardinal Jules Mazarin, principal ministre de l’Estat » s’éteignait au château de Vincennes à cinquante-huit ans. Revenu au pouvoir après en avoir été chassé dans les premières années de la Fronde, il avait gouverné la France d’une main de maître, restauré l’ordre, mis au pas les Grands et le parlement de Paris, rétabli dans les provinces les intendants, ces précieux auxiliaires du pouvoir central, et achevé par l’avantageux traité des Pyrénées la longue guerre avec l’Espagne, commencée sous Louis XIII en 1635. Le royaume s’était agrandi de l’Artois, de quelques places de Flandre et du comté de Roussillon. Enfin, la réconciliation avec l’ennemi héréditaire avait été scellée par le mariage en 1660 du jeune Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse d’Autriche, fille aînée de Philippe IV, roi d’Espagne. À côté de cette oeuvre remarquable, restaient encore bien des tâches à accomplir : consolider le trône, intégrer pleinement à l’État la vieille aristocratie qui gardait des velléités d’indépendance, sortir le royaume de l’anarchie financière dans laquelle la guerre l’avait plongé et enfin rétablir le rang de la France sur le plan international…
Par Jean-Christian Petitfils, Historien
Louis avait vingt-deux ans. Secret, timide, ému par la disparition de son parrain et éducateur auquel il était très attaché, il se sentait pourtant soulagé de voir disparaître ce mentor à la personnalité écrasante. Dès le lendemain, 10 mars, à sept heures du matin, il réunit un Conseil élargi, comprenant les trois ministres, Michel Le Tellier, Hugues de Lionne et Nicolas Fouquet, le chancelier Pierre Séguier ainsi que les secrétaires d’État La Vrillière, Du Plessis-Guénégaud et Loménie de Brienne. D’un ton ferme, il leur annonça qu’il ne prendrait plus de Premier ministre et qu’il exercerait directement le pouvoir. « La face du théâtre change. J’aurai d’autres principes dans le gouvernement de mon État, dans la régie de mes finances et dans les négociations au-dehors qu’avait feu M. le cardinal. Vous avez mes volontés, c’est à vous maintenant, messieurs, de les exécuter. » Tel fut, à la surprise générale, le «coup de majesté» de 1661. Nul ne s’attendait à pareil acte d’autorité de la part d’un jeune homme qui, jusque-là, n’avait brillé qu’à la chasse et dans les ballets de cour… Quand le président de l’assemblée générale du Clergé, Mgr Harlay de Champvallon, lui demanda à qui il devrait désormais s’adresser pour les affaires de son ordre, Louis répliqua : « À moi, M. l’archevêque !»
Ce serait une erreur pourtant de rapprocher le jeune roi à l’aube de son règne personnel de l’imposante et majestueuse figure solaire qu’il sera quelques années plus tard, au zénith de sa gloire. Anxieux, mal assuré, il chercha d’abord à se conformer aux conseils du défunt cardinal. […]
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