Le quatre centième anniversaire de la naissance d’André Le Nôtre, le 12 mars 1613 à Paris, est l’occasion pour de nombreux établissements de célébrer le génie créateur du jardinier de LouisXIV. Le château de Chantilly, celui de Sceaux, celui de Vaux-le-Vicomte, le jardin des Tuileries, entre autres, rappellent ainsi les créations de Le Nôtre en dehors de ce qui fut son chef-d’oeuvre : Versailles. C’est là en effet qu’il correspond le mieux peut-être à son épitaphe: «Il répondit en quelque sorte par l’excellence de ses ouvrages à la grandeur et à la magnificence du monarque qu’il a servi et dont il a été comblé de bienfaits» ; c’est là qu’il développe, aux côtés de Charles Le Brun, toutes les aptitudes d’un artiste hors du commun, loin de l’image de l’humble collaborateur dévoué et talentueux. Dans les jardins de Versailles s’écrit le génie d’un homme d’une modernité étonnante, «pur produit de l’élite scientifique et artistique de ce milieu du XVIIe siècle» (1), dont l’exposition Le Nôtre en perspectives (2) retrace la fascinante personnalité.
Par Gabrielle de Roincé, Conservateur à la bibliothèque Marmottan.
Il est difficile de conserver l’ouvrage d’un jardinier. Artiste de l’éphémère par excellence, il crée au sein d’une nature vivante, active et souvent rétive à ses décisions parfois asservissantes. L’état des jardins de Versailles au retour du jeune Louis XV en 1722 en est la preuve, puisque les travaux retardent par deux fois l’arrivée du roi. Quelque trois cent cinquante ans après la création des jardins, que reste-t-il de Le Nôtre ? La question est d’autant plus légitime qu’elle s’est posée à plusieurs reprises au cours des siècles, où l’héritage de Le Nôtre a été discuté. Elle est surtout plus complexe qu’il n’y semble au premier abord, impliquant de s’interroger sur plusieurs dimensions de l’ouvrage de Le Nôtre : son idée générale d’abord, sa grande pensée et son apport spécifique ; le dessin des différents bosquets ensuite, et la conservation des trouvailles particulières du jardinier ; les éléments végétaux enfin, vivants matériaux de l’art des jardins, qu’il faut sans cesse protéger et soigner.
Des projets d’envergure
Pour distinguer ce qui est de Le Nôtre et ce qui ne l’est plus à Versailles, il faut rappeler en quelques mots le processus de création qui se déroule, avant la mort du jardinier en 1700, en plusieurs étapes. C’est volontairement que nous omettrons de cette étude celle du jardin de Trianon, laboratoire de nombreux essais botaniques et horticoles, et qui mérite un traitement à part. […]
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