« Rémouleur, rémouleur ! Repasse couteaux ! Repasse ciseaux ! » Voilà le cri du rémouleur que l’on pouvait entendre au croisement de deux ruelles parisiennes. Les femmes s’empressaient. On amenait le couteau de cuisine qui ne coupait plus, le rasoir du mari qui ne rasait plus, une paire de ciseaux rouillée…, tous ces ustensiles tranchants qui nécessitaient d’être affutés afin de pouvoir à nouveau être fonctionnels. Pendant que le rémouleur s’affairait à redonner une nouvelle vitalité à tous ces objets, les femmes comméraient et les petits enfants venaient assister au spectacle où les étincelles virevoltaient au milieu des bruits stridents de la meule limant l’acier. Le rémouleur faisait alors partie de ce paysage des marchands ambulants typiques de Paris.
Par Klervi Le Collen
L’artisanat du couteau et des objets coupants s’est surtout développé à partir du Moyen Âge. À chaque contrée, sa marque de fabrique : Thiers, capitale du couteau, Laguiole, Paris, qui deviendra au XVIIIe siècle une des plus grandes coutelleries françaises…
On était coutelier de père en fils ou encore on apprenait le métier lors d’un apprentissage long de six années. Chaque maître pouvait alors enseigner à deux apprentis. Coutelier était un terme large visant à définir celui qui fabrique et celui qui vend des couteaux. Cependant, on faisait une distinction entre les « fèvres couteliers » (d’où l’origine des noms : Lefèvre, Lefébure…), issus d’une formation de forgeron, qui travaillaient les lames, et les couteliers qui fabriquaient les manches, en corne, en bois… La conception de l’objet, qui le rendait – jusqu’à son industrialisation – unique, nécessitait plus de deux cents manipulations et faisait ainsi appel à de nombreux autres « petits métiers » artisanaux : découpeur, forgeron, recuiseur, émouleur,… Deux métiers sont des plus importants dans cette chaine artisanale : le premier, l’émouleur, qui contribuait à la conception de l’outil ; le second, le rémouleur, qui participait à la longévité du couteau.
Nous ne possédons que très peu de renseignements sur l’artisanat et l’industrie du couteau. Qui étaient ces hommes ? Combien étaient-ils ? Peu de sources nous permettent de répondre à ces interrogations.
Ces hommes proposaient un savoir-faire unique qui se transmettait au fil du temps. Pendant plusieurs siècles, les couteaux et autres objets tranchants étaient des ustensiles rares et précieux auxquels on accordait de l’importance, d’où la nécessité de prolonger leur tranchant en les faisant affûter. Dès les années 1300, on retrouve des traces de ce métier. Vers 1400, une véritable corporation des esmouleurs est créée. N’était pas rémouleur qui voulait : déjà, en 1407, la profession était contrôlée. Ainsi, il fallait être forcetier c’est-à-dire forgeron ou coustellier (donc maîtriser les techniques de fabrication des couteaux) pour pratiquer l’affûtage. Afin d’apporter de la longévité à ces pièces uniques faites à la main, il convenait de les amener chez le rémouleur. Celui-ci affûtait de manière très rapide l’outil en travaillant d’une façon minutieuse l’angle de coupe. Il fallait être efficace et précis afin de ne pas tordre la lame.
Un artisan ambulant
Dans la capitale, le rémouleur avait ses lieux habituels. Un croisement de rue, une place ou un marché. On le connaissait bien et, lorsqu’il arrivait, son apophtegme résonnait de manière coutumière. Souvent, une petite clochette contribuait à alerter sa venue. […]
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