Sous l’Ancien Régime, le soldat français roturier ne peut guère espérer la moindre récompense pour ses mérites, ses faits d’armes ou sa bravoure. La carrière d’officier supérieur lui est interdite et il ne dépasse que rarement le grade de sergent. S’il s’est fait remarquer, le soldat blessé peut obtenir une place aux Invalides ; bien portant et en fin de carrière, il peut s’attendre à recevoir une maigre pension qui, dans la plupart des cas, ne suffit pas à le faire vivre décemment dans la vie civile. Mais la Révolution change tout.
Par Vincent Rolin, Historien.
À la Révolution et sous le Directoire
En premier lieu, les conditions de l’avancement sont bouleversées. La loi de 1793 instaure deux modes de désignation des officiers : un tiers de ceux-ci est désormais nommé à l’ancienneté et les deux autres tiers à l’ élection, à l’exception des chefs de brigade. L’avancement à l’élection était déjà pratiqué parfois sous l’Ancien Régime mais restait ponctuel. Il se généralise sous la Révolution. L’Assemblée pense ainsi favoriser la promotion au mérite. Si cette nouvelle disposition permet en effet à certains hommes de valeur de passer en deux ans du statut de simple soldat au grade de général, elle comporte néanmoins de nombreuses faiblesses. Le corps des officiers devient vite en effet très hétérogène ; l’âge des lieutenants par exemple varie de 17 à 60 ans et leur capacité à commander de la plus nulle à la plus exemplaire. Un officier volontaire écrit en l’an III que le mode d’avancement à l’élection est «tout à fait contraire au bien du service puisqu’il faut qu’il se fasse par le soldat ; un ambitieux, un captieux sera sûr de parvenir, tandis que celui qui est vrai soldat sera écarté. La raison est bien simple ; le premier s’attire l’amitié du soldat en fomentant ses vices ; le dernier en le réprimandant ou le punissant selon la loi. Par ce mode, celui qui désire son avancement est obligé de ralentir son service en passant mille choses au soldat pour lesquelles il faudrait le punir. De là naissent par conséquent l’indiscipline et l’insubordination. »
Le premier à reconnaître et à s’inquiéter de l’insuffisance de ce système et des cadres est bien sûr Bonaparte lorsqu’il prend le commandement de l’armée d’Italie en 1796. Son idée est de valoriser le mérite et les aptitudes au commandement et de récompenser les braves. Sans déroger à la loi de 1793 sur l’avancement, il favorise la nomination de soldats sachant lire et écrire et s’étant distingués à des postes de sous-officiers voire d’officiers. Quant aux braves n’ayant pas la chance d’avoir ces connaissances, il encourage leur promotion dans une compagnie de grenadiers ou au grade de sous-officier.
De plus, Bonaparte ordonne la fabrication de sabres de récompense destinés à valoriser la bravoure de 90 grenadiers et 10 cavaliers de son armée. Cet ordre, daté du 2 septembre 1797 et rédigé au quartier-général d’Udine, commence ainsi : « Le général en chef voulant donner témoignage de la reconnaissance de la Patrie envers les braves militaires qui se sont distingués… » Les sabres sont fabriqués à la manufacture de Brescia et comportent sur un côté de la lame l’inscription en lettres d’or « Armée d’Italie, Division X, Ye demi-brigade. Donné de la part du Directoire Exécutif de la République Française par le général Bonaparte ». Sur l’autre côté est gravée l’action d’éclat du soldat précédée de la mention « République Française, Liberté-Égalité ». […]
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