Le 24 novembre 885, sept cents drakkars se présentent sous les murs de Paris. C’est la cinquième fois que les Vikings parviennent sous les murs de la ville depuis l’année 845. À l’aube, le chef viking Sigfriđr est reçu en audience dans le palais épiscopal par les deux représentants du pouvoir carolingien dans la ville, l’évêque Gauzlin et le comte Eudes. Le Danois demande le libre passage des ponts afin de pouvoir se rendre en Bourgogne où ses hommes et lui souhaitent prendre leurs quartiers d’hiver. Ils menacent sinon de réduire la ville en cendres. L’évêque et le comte refusent. Débute alors un siège qui dure jusqu’à l’automne 886, avec quelques prolongements en 887.
Par Joëlle Delacroix
En 888-889, le moine de Saint-Germain-des-Prés Abbon, témoin oculaire du siège, écrit un poème intitulé « Bella Parisiacæ urbis », « Histoire du siège de Paris par les Normands » ; qui constitue l’une des principales sources au sujet de ce grand siège.
La ville a déjà été attaquée plusieurs fois par les Vikings. En 845, cent vingt navires menés par Ragnarr aux Braies Velues – Ragnar Lođbrók – accostent à Rouen. Ragnarr et ses hommes remontent la Seine, brûlent le monastère de la Celle et font une centaine de prisonniers qu’ils pendent dans la forêt. À cette vue, les soldats du roi Charles le Chauve (823-877) refusent de combattre et le roi, réfugié dans l’abbaye de Saint-Denis, assiste impuissant à la prise des monastères de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain, ainsi qu’au pillage de l’île de la Cité, désertée par ses habitants.
En 855, un autre chef viking, Sydroc, remonte la Seine jusqu’à Pîtres où il est rejoint par une autre flotte, commandée par le chef viking Björn Côtes de Fer – Björn Járnsíða –, l’un des quatre fils de Ragnarr aux Braies Velues. Après avoir mis Rouen à sac, les deux armées ravagent les rives de la Seine, poussant jusqu’au Perche et Chartres. Décembre 856, ils sont sous les murs de Paris. Toutes les églises des faubourgs sont pillées. En janvier, les moines de Saint-Denis, rançonnés, fuient. Puis, c’est le monastère de Saint-Germain qui est attaqué et les serfs de l’abbaye massacrés. Les Vikings reviennent en 861 et pillent l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
À l’issue de ce nouveau raid, en juin 861, Charles le Chauve convoque le plaid général annuel (l’assemblée où il prend conseil) en la villa royale de Pîtres, demandant aux grands de venir accompagnés d’ouvriers et de chars. Il donne alors ordre de commencer la construction d’un pont fortifié enjambant les cours de la Seine et de l’Eure afin de barrer la route aux flottes vikings qui infestent la vallée. D’autres ponts sont établis, l’un sur la Marne à Trilbardou, un second sur la Seine au niveau de Paris. En 865, une armée viking s’engage une nouvelle fois sur la Seine ; elle s’empare du pont de Pîtres inachevé et, pour la quatrième fois, attaque Paris. Ils pillent Saint-Denis et demeurent jusqu’en juillet 866 où ils acceptent de partir en échange de la somme de 4 000 livres et de grosses quantités de vin. En 876, une nouvelle flotte pénètre dans la vallée de la Seine et se heurte au pont qu’elle tente en vain de prendre. Il n’y a pas d’autres menaces avant l’année 885, date à laquelle les troupes menées par le chef viking Sigfriđr parviennent à prendre le pont fortifié et à remonter jusqu’à Paris.
La menace venue du Nord
Un rappel s’impose. D’abord, plusieurs origines peuvent être avancées en ce qui concerne le mot « viking » : les anciens Scandinaves appelaient « víkingar » ceux d’entre eux qui partaient en expéditions guerrières par-dessus les mers ; l’expression « fara í víkingu » – partir en expédition – est courante dans les sagas ; le terme viking peut également être rapproché avec le mot « vík » qui désigne la baie. Le 8 juin 793, le pillage du monastère de Lindisfarne (Écosse) a marqué le commencement d’une période longue de deux siècles, au cours de laquelle les Scandinaves – Danois, Suédois et Norvégiens – ont déferlé sur les terres de l’Europe, en suivant principalement deux grandes routes maritimes. […]
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