Imaginons un instant l’arrivée de Paolo Lorenzani à la Cour du Grand Roy en 1678. Il a trente-huit ans. Ce compositeur de renom avait été élevé parmi les enfants de choeur de la Chapelle pontificale sous le célèbre Benevoli. Passé maître de chapelle à la Chiesa del Gesù à Rome, il est nommé au même poste à la cathédrale de Messine lorsque les troupes françaises conduites en 1675 par le duc de Vivonne libèrent la ville du joug des Espagnols. Mais, lorsque la situation se retourne, Lorenzani, ayant pris le parti des Français, doit s’exiler. Et là, présenté à la Cour par Vivonne, il fait chanter ses motets devant Louis XIV, enthousiasmé par cette musique neuve. Le jeune compositeur se retrouve illico au service de la reine Marie-Thérèse.
Par Jean Duron. Centre de musique baroque de Versailles.
À présent, renversons la situation et imaginons ce que put ressentir cet Italien lorsqu’il entendit pour la première fois les musiciens de la Cour, par exemple les fameux Vingt-quatre violons du Roy (qui sont 25). Il découvre, émerveillé, un orchestre dont il a certes entendu parler dans la péninsule, mais dont il ne pouvait évidemment imaginer ni la qualité, ni la puissance, ni la précision de jeu, ni la parfaite synchronie, ni la « couleur sonore »… ni même la musique qui va avec. Il le découvre, mais il doit apprendre aussi à s’en servir. Rapidement. C’est ce qu’il fera dès 1681 avec sa pastorale Nicandro e Fileno représentée à Fontainebleau, puis en 1688 avec son opéra Oronthée donné à Chantilly.
De tous les événements
Ces Vingt-quatre violons du Roy étaient l’une des plus belles attractions de la Cour depuis leur création sous Louis XIII. Le roi Louis XIV lui-même n’en était pas peu fier. La réputation de cet ensemble allait bien au-delà de l’enceinte des palais de la Couronne. Depuis son couvent des Minimes, le père Marin Mersenne en vantait les mérites dans son Harmonie universelle (1636) : « Toutes ces parties sonnant ensemble font une symphonie si précise et si agréable, que quiconque a entendu les vingt-quatre violons du roi exécuter toutes sortes d’airs et de danses, confessera volontiers qu’il ne se peut rien entendre dans l’harmonie de plus suave et de plus délicieux ». Et le poète burlesque Jean Loret, quant à lui, d’en rajouter, rappelant à la duchesse de Longueville combien cet orchestre convenait à la danse : « Les violons, tous vingt et quatre, / Car on n’en voulait rien rabattre, / En jouant tous les airs nouveaux, / Firent former des pas si beaux, / Que Vénus et les Grâces, mêmes, / Avec leurs agréments suprêmes, / Certes, n’auraient pas mieux dansé ».
Les Vingt-quatre violons étaient ainsi de tous les grands événements, les grandes fêtes évidemment, jusqu’aux cérémonies religieuses extraordinaires – le mariage du roi par exemple – , bals et ballets, intermèdes de théâtre (plus tard aux opéras), soupers et couchers du souverain. […]
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