L’infanterie de marine du Second Empire donne d’elle-même une image contrastée. Traitée en auxiliaire par la Marine, peu prestigieuse aux yeux de la communauté militaire, elle est pourtant un instrument d’action extérieure et d’expansion coloniale d’une rare qualité.
Par Louis Delpérier, historien
Les bénéfices de ce regain d’activisme sont d’abord captés par la Marine, à laquelle Napoléon III redonne le niveau que la période 1792-1815 lui avait fait perdre. Les troupes de marine acquièrent, alors, une certaine stabilité dans leur composition et leur statut. Développées depuis Richelieu et Colbert, infanterie et artillerie sont clairement séparées depuis 1791. Le difficile partage d’autorité entre les ministères de la Marine et de la Guerre finit par trouver son point d’équilibre. On tente par deux fois (1824 et 1828) d’affecter au service des colonies des troupes détachées par le département de la Guerre, politique dont l’expédition de Madagascar aux conséquences sanitaires catastrophiques sera la dernière expression en 1895. L’ordonnance du 14 mai 1831 place durablement les deux régiments d’infanterie de marine existant depuis 1822 (un 3e est créé le 20 novembre 1838) sous l’autorité de la Marine pour l’administration et l’emploi, sous celle de la Guerre pour le recrutement et l’instruction.
Une nouvelle organisation
L’infanterie de marine est réorganisée à quatre régiments le 31 août 1854. L’éparpillement des territoires coloniaux explique la lourdeur de leur structure ainsi que l’autonomie dont savent tirer profit les capitaines, lieutenants et sous-lieutenants. Le total de 120 compagnies fixé le 24 août 1848 se répartit en vingt-quatre compagnies aux 1er et 3e, trente-six au 2e et au 4e. Casernés à Cherbourg, Brest, Rochefort et Toulon depuis 1822, les régiments détachent onze compagnies à la Martinique (1er), douze à la Guadeloupe et trois en Océanie (2e), onze à Cayenne (3e), sept à la Réunion et six au Sénégal (4e). Plus que d’«esprit de corps», c’est d’«esprit d’arme» dont il faut parler, car les compagnies changent fréquemment de régiment au gré des affectations. Ainsi les 8e, 17e, 18e et 19e compagnies du 1er sont-elles versées au 3e au moment de leur embarquement pour la Chine en décembre 1859. C’est donc au titre du 3e que figurera l’Historique de la campagne.
Le recrutement de la troupe, privilégiant les Bretons, Charentais, Provençaux et Corses d’après le général Charbonneau, se conforme aux règles suivies par le ministère de la Guerre, alors que les quelque 30 000 matelots sont issus des «inscrits maritimes», ouvriers des ports et pêcheurs. Les régiments attirent de nombreux engagés soucieux de rompre avec leur milieu, et que n’effraient pas les maladies de l’outre-mer. […]
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