Les journées qui séparent le départ de Napoléon de l’île d’Elbe de son retour aux Tuileries recèlent encore quelques secrets. Et parmi ces étapes de février et mars 1815, sept instants cruciaux font basculer le destin de l’Empereur exilé.
Par Pierre Branda Historien, responsable Patrimoine de la Fondation Napoléon.
1. Portoferraio, 26 février 1815 : l’Aigle prend son envol
Ce dimanche 26 février 1815, Napoléon est décidé à partir. Il sait que le colonel Campbell, le commissaire britannique qui lui rend fréquemment visite, ne reviendra pas avant la semaine suivante. Craignant une attaque contre son île, il préfère jouer son destin plutôt que de subir la loi des autres. La nuit précédente, les sept voiles formant l’expédition ont été réunies. Le matin du 26 février, la ville s’éveille presque tranquillement. Au palais, Napoléon fidèle à son étiquette fait un «grand lever» comme il est d’usage le dimanche au milieu de ses courtisans. Il paraît serein. L’affluence est cependant exceptionnelle aux Mulini comme ensuite à la messe. Tout le monde s’attend à une annonce de la plus haute importance.
Vers midi, Napoléon annonce son départ. Aussitôt dans la ville, un cri se répand comme une traînée de poudre : «L’Empereur s’en va !» Les espions tentent de quitter l’île mais en vain. Sur le port, c’est l’effervescence. Les ordres fusent. Vers deux heures, Napoléon fait battre la générale. Joyeuse et exaltée, la Garde embarque avec ses munitions, ses armes, ses chevaux et ses approvisionnements dans l’ordre le plus parfait. Vers quatre heures, l’ensemble de la troupe est à bord des sept bâtiments de la flottille. Dans la cour du palais, les valets de pied brûlent les papiers importants. On emporte seulement le strict nécessaire : du linge de rechange pour l’Empereur et quelques provisions. L’argent est soigneusement emballé avec les livres de la bibliothèque.
Dans la soirée, Napoléon reçoit sa mère et sa soeur. Le moment est venu de les saluer. L’émotion gagne le coeur de Pauline, elle n’arrive même pas à parler. Madame Mère est angoissée. Napoléon les rassure et les embrasse en partant. À sept heures du soir, l’Empereur quitte pour toujours son palais des Mulini. Sur le trajet jusqu’au port, une foule nombreuse l’attend sur son passage et le salue avec effusion. Le maire veut prononcer une dernière harangue. En sanglots, il ne peut sortir un seul mot. Ému, Napoléon adresse aux habitants ses dernières paroles : «Bons Elbois, adieu ! Je vous confie ma mère et ma soeur… Adieu, mes amis, vous êtes les braves de la Toscane !»
Un seul fait grise mine : le général Drouot. Pour lui ce départ est une folie. Il sait que l’expédition a pour but la France. Avant de partir, le général Bertrand écrit à sa femme : «Arme toi de courage, tu te dois à tes enfants. Jusqu’au dernier moment de ma vie tu seras l’objet de ma plus douce et de ma plus tendre affection.» Mais au soir du 26 février 1815, le temps n’est plus aux doutes ou aux regrets. Alea jacta est disaient les Romains.
2. Plage de Golfe-Juan, 1er mars 1815 : l’autre jour J […]
Retrouvez l’intégralité de l’article dans le n°75 en vente en ligne sur boutique.soteca-editions.fr.