Des relations complexes : le moine face à l’Empereur
La venue de Pie VII à Paris, à l’occasion du sacre de Napoléon, met aux prises deux personnalités opposées.
Par Jean-Louis Bachelet, pianiste et dramaturge
Depuis qu’il a mit le pied sur le sol français pour sacrer Napoléon empereur, les manifestations de foi populaire sont quotidiennes. « Est-ce là ce peuple français qu’on dit athée ?», confira-t-il à ses cardinaux. Bonaparte l’avait accueilli à Fontainebleau le 25 novembre 1804, près de la croix de Saint-Herem. Les deux hommes s’étaient embrassés. Le baiser de paix donné par l’ancien Premier Consul à un souverain pontife effaçait symboliquement les années de rupture avec le Saint-Siège. Au seuil du XIXe siècle, l’Église de France, quant à sa hiérarchie, était anéantie. La Constitution civile du clergé avait créé des clercs à la solde de la Révolution. Le schisme avec Rome était consommé. La foi catholique, vidée de son contenu, avait retrouvé le chemin des catacombes.
Lorsque Bonaparte, Premier Consul, entreprend la restauration du culte catholique, la France porte encore les marques de la Terreur. Les Massacres de Septembre ont huit ans. Cinq ans auparavant, les colonnes infernales de Turreau fondaient sur la Vendée, exécutant près de cinquante mille personnes, hommes, femmes et enfants. Bonaparte n’est pas un esprit dogmatique. Il le dira assez souvent dans ses Mémoires. Il ne reconnaît qu’un seul empire, celui des faits. Lorsqu’il entreprend l’idée du Concordat, il s’appuie sur une évidence : le catholicisme n’est pas seulement la religion de son enfance, elle est aussi celle au sein de laquelle la France est nourrie depuis plus de mille ans.
Quand les relations avec Pie VII seront au plus mal, nombre seront ceux dans l’entourage de l’Empereur qui lui suggéreront de se défaire une fois pour toute de l’emprise de Rome et du pape. Napoléon entrera dans une de ces colères qui font partie de sa légende : « Et maintenant, vous voudriez que je brise la glace ? Jamais !»
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