Témoignage de la campagne de Chine

En décembre 1859, une flotte de plus de cent cinquante bâtiments quitte les ports de Toulon, Brest et Lorient pour une campagne lointaine et audacieuse en Chine. À bord du Rhône, le jeune sous-lieutenant au 2e bataillon de chasseurs à pied Ludovic de Garnier des Garets participe à l’aventure (il deviendra général sous la Troisième République). Âgé de vingt et un ans, originaire du Beaujolais, il correspond intensément avec sa famille et laisse un témoignage sincère de l’événement.
Par Jean-Philippe Rey, Agrégé et docteur en histoire

Volontaire comme l’ensemble de ceux qui participent à l’expédition, Ludovic des Garets embarque avec tout son bataillon à Brest dont il quitte la rade le 17 décembre. Enthousiaste à l’idée d’être d’une « expédition sans pareille », il y voit à la fois un moyen d’accélérer sa carrière et d’illustrer sa famille.

Le jeune homme doit d’abord s’acclimater aux contraintes d’une longue traversée. La promiscuité à bord du Rhône, un gros navire à voile et à vapeur qui transporte 1 200 hommes, oblige à une grande discipline en même temps qu’elle développe la camaraderie parmi des fantassins dont la plupart découvrent la navigation. Si beaucoup réalisent rapidement qu’ils n’ont pas le pied marin et paient « leur tribut au mal de mer », Ludovic des Garets supporte si bien les rigueurs de la traversée qu’au bout d’une quinzaine de jours, il « trouve la mer au-dessous de l’idée [qu’il s’en était] faite » et « ne désire plus qu’une chose, une tempête » !

Passé les premières semaines, les hommes se désennuient de plus en plus difficilement même s’ils partagent des moments très joyeux comme lorsqu’ils fêtent, les 11 et 12 janvier 1860, le passage de la Ligne – l’équateur – à grand renfort de parades carnavalesques et d’eau-de-vie. Ils profitent à plein des escales mais elles sont rares et brèves. Celle du Cap (Cape Town) est particulièrement distrayante et agréable. La ville offrant « un charmant aspect », nos soldats y sont très bien accueillis par une colonie anglaise très prospère. Le sous-lieutenant des Garets fait d’importants efforts pour mettre en pratique les leçons d’anglais prises à bord et se mêle avec bonheur à la société locale. Curieux de tout, il arpente l’agglomération et ses alentours en tous sens, visite le jardin botanique et les musées sans oublier de fréquenter les nombreux bals qui rythment le séjour des Français. Il s’étourdit au bras de « charmantes Miss » qui pratiquent une « danse effroyable de vitesse ». Il faut dire que les habitants de la colonie se régalent de la présence de ces hôtes divertissants. « Au reste, comme le signale notre jeune sous-lieutenant, ces dames ne s’en cachent pas, leur plus beau mois de l’année est celui de février qu’elles appellent le mois des Français. »

Les cinquante et un jours de traversée sans relâche qui séparent Cape Town de Singapour sont extrêmement éprouvants.[…]

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