Les durs affrontements de l’Hartmannswillerkopf ont jeté une ombre sur les nombreuses batailles qui enflammèrent bien d’autres montagnes vosgiennes entre 1914 et 1916. Le massif du Reichsackerkopf, dominant Munster, Stosswihr et Muhlbach, a été l’objet de la convoitise tant française qu’allemande pour obtenir le contrôle de la vallée de la Fecht.
Par Romain Sertelet, titulaire d’un master d’Histoire contemporaine
Entre février et juillet 1915, chasseurs à pied français, réservistes bavarois et Landsturmmänner badois s’opposent dans une lutte acharnée sur les pentes du Sattelkopf, du Petit Reichsackerkopf, du Grand Reichsackerkopf et du Moenchberg. L’impasse sur le terrain et la volonté dans les grands quartiers généraux de rationnaliser les opérations en évitant de disperser hommes et matériels qui commencent à faire défaut, poussent le General der Infanterie von Falkenhayn et le général Joffre à mettre, plus ou moins rapidement, un terme aux «aventures stratégiques » en Alsace.
Hiver 1915 : Allemands et Français ambitionnent d’escalader les sommets vosgiens
Dans les premiers jours de 1915, le général Joffre réorganise le dispositif français en Lorraine et en Alsace. Le 9 janvier 1915, il instaure un « groupe provisoire de l’Est », placé entre les mains du général Dubail. Le secteur de la vallée de la Fecht relève plus précisément du Détachement d’Armée des Vosges (D.A.V.) du général Putz. Dès novembre 1914, Joseph Joffre ordonne à ce dernier d’échafauder des opérations offensives d’ampleur. Comptant sur une action rapide de son subordonné, il lui annonce l’arrivée de substantiels renforts : cinq B.C.P. le 8 janvier et cinq autres le 13 janvier.
À la réception du premier groupement, le D.A.V. passera à l’offensive avec pour objectifs : « L’achèvement de l’action engagée contre Cernay, la progression dans la haute vallée de Munster et sur les contreforts montagneux qui bordent cette vallée, et l’occupation du massif montagneux au sud de la Fecht jusqu’à la ligne Soultzbach, Osenbach, Buhl. » Dans un second souffle, favorisé par l’intervention du second groupement, les troupes françaises feront irruption dans la plaine d’Alsace aux environs de Mulhouse tout en poussant leur avantage dans la vallée de la Fecht vers les Trois-Épis, dernière étape de montagne avant Colmar.
Le général Putz est réservé à la réception de ces instructions qui impliquent une progression de plus de dix kilomètres dans l’hiver rigoureux des Vosges ! Dans sa longue réponse du 9 janvier, dont il pèse chaque mot, s’il détaille la reprise de l’opération à Cernay qui lui semble la plus susceptible d’être menée à bien, il ne fait guère preuve d’optimisme au sujet du secteur de la vallée de la Fecht : «Je n’ose, en cette saison, envisager d’une façon ferme cette action qui ferait sans doute tomber entre nos mains la ville de Munster, à cause des aléas du ravitaillement par la Schlucht, mais il est bien entendu que, si elle paraît possible, je pousserai au sud de la Fecht jusqu’au col de Boulesgrab, et même, si la progression dans la plaine d’Alsace se poursuit dans de bonnes conditions, jusqu’au col de Firtsplan (sur la ligne Soultzbach, Buhl, précédemment envisagée). » Au sujet de la phase d’exploitation, il se contente de botter en touche : «En ce qui concerne la deuxième partie du programme tracé par votre lettre n°1264, je crois qu’il serait prématuré de faire des projets trop précis, mais je ne perdrai pas de vue ces directives, afin d’en préparer la réalisation pour une époque aussi rapprochée que possible.»
Enfin, alors que le commandant en chef n’avait envisagé que des renforts matériels, Henri Gabriel Putz sollicite la mise à disposition de batteries de campagne, d’équipages muletiers, de sections de télégraphie, de boulangeries de campagne, de deux bataillons de travailleurs territoriaux et de matériel pour l’exploitation du tramway de la Schlucht. […]
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