L’oeuvre maîtresse de Zola, le cycle des Rougon- Macquart, est, de l’avis même de l’auteur, non seulement « l’histoire naturelle et sociale » d’une famille, mais, au – tant sinon da vantage l’histoire politique d’un régime. On peut lire en effet, p. 76 du Plan de l’oeuvre monumentale remis, dès 1879, à l’éditeur Lacroix : «… Je ferai… pour le Second Empire ce que Balzac a fait pour le règne de Louis-Philippe.»
Par Bérangère Bienfait, Historienne
Napoléon III apparaît personnellement dans trois des romans du cycle des Rougon-Macquart. Tout d’abord, dans La Curée, et incidemment, lorsque Renée Saccard, qui a réussi, grâce à son beau-frère le ministre Eugène Rougon, à se faire inviter à un bal des Tuileries, peut voir de près, traversant « la cohue d’habits noirs et d’épaules blanches », le Maître de l’Heure. « Au bras d’un général gros et court, qui soufflait comme s’il avait eu une digestion difficile… Elle le trouva petit, les jambes trop courtes, les reins flottants ; mais elle était ravie, et elle le trouvait beau, avec son visage blême, sa paupière lourde et flambée qui retombait sur son oeil mort…» Puis, au terme de ce roman, surgit, au bois de Boulogne, au milieu des voitures de luxe d’un monde que le régime est, avec Saccard, en tête, en train de combler, l’Empereur lui-même, « vêtu de noir, avec sa redingote boutonnée jusqu’au menton… le nez seul gardant toujours son arête sèche dans le visage vague :l’Empereur dont le brillant et rapide cortège disparut dans le soleil ».
Beaucoup mieux fouillé s’offre dans Son Excellence Eugène Rougon, « chef d’oeuvre du roman politique français », et à trois reprises, le portrait de Napoléon III. En premier lieu, lors de la solennité du baptême du Prince Impérial, laquelle donne à Zola l’occasion d’un chapitre très coloré et vivant où l’on voit notamment, à Notre-Dame, l’Empereur « debout, dominant la foule. Il se détachait en noir sur le flamboiement d’or que les évêques allumaient derrière lui. Il présentait au peuple le prince impérial, un paquet de dentelles blanches, qu’il tenait très haut, de ses deux bras levés… » Quelque temps plus tard, vers 1858, nous le retrouvons au palais de Compiègne, à une réception où il entre, « suivi du chambellan de service… Il eut un faible sourire en s’arrêtant devant M. de Marcy et Rougon (1) ; il tordait sa longue moustache d’une main lente, avec un balancement de tout son corps… » Enfin, le voici dans l’exercice administratif de ses prérogatives, présidant à Saint-Cloud un conseil des ministres où l’on discute entre autres « le projet d’un mémoire sur la fondation d’une nouvelle noblesse », ce qui fait s’animer le visage impérial, atone d’ordinaire, une flamme jaune brillant dans ses yeux gris. […]
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